Certes, les auteurs entendaient se moquer du goût prononcé du praticien pour les interviews. Mais plus sérieusement, mieux vaut éviter une campagne de presse négative qui influencera le public et vraisemblablement les magistrats.
Qui est le vrai méchant ?Les avocats et les équipes qui travaillent avec eux à la préparation d'un procès souhaitent que leur client arrive avec la meilleure image possible devant la juridiction qui va traiter leur affaire.
Pour atteindre cette finalité, plus question de laisser le hasard, les velléités d'un média ou la campagne menée par l'adversaire, des politiques ou un juge ambitieux imposer un scénario à l'opinion publique.
Devant les magistrats, l'avocat va créer et défendre la vérité judiciaire qui servira la cause de son client. Mais il n'agira plus seul. Avant les audiences, des conseillers en communication contribueront à écrire le storytelling qui préservera au mieux les intérêts du justiciable, sa réputation, et le sauvera le cas échéant du lynchage médiatique.
Ces consultants travailleront en collaboration étroite avec les avocats :
* ils endosseront le costume (ou la robe) de pédagogue auprès des médias et du public dans le but d'imposer les aspects de l'affaire les plus favorables au client (en vulgarisant sans les dénaturer des notions juridiques, des concepts relatifs à la procédure, à la preuve, aux enjeux réels...) ;
* ils contreront les lobbyistes qui, quelles que soient leurs motivations, travaillent contre les intérêts du client.
Parer les contre-véritésCertains s'étonneront de ce jeu d'influences. Les esprits les plus purs crieront à la manipulation. Et pourtant, il s'agit au contraire de garantir l'équilibre et l'équité.
Il arrive que des médias foncièrement lobbyistes pour le compte de leurs amis politiques et peu soucieux de déontologie, présentent sciemment une version déformée, voire carrément mensongère d'une situation. Ce fut le cas avec le bouclier fiscal décrit comme un chèque cadeau aux plus riches alors qu'au contraire, il s'agissait de rembourser un trop perçu. Car en vérité, l'administration fiscale restituait simplement a posteriori aux gros contribuables des avances de trésorerie qu'ils avaient consenties à l'État sans intérêts. Le mensonge a payé et la communication négative orchestrée autour du bouclier fiscal a aidé les adversaires de la majorité de l'époque à s'emparer du pouvoir.
Sans atteindre une telle dimension nationale, des affaires portées à la connaissance du public affecteront durablement les justiciables impliqués. Surtout lorsqu'elles suscitent des polémiques, des passions, des oppositions fondamentales et irréductibles entre les défenseurs des thèses qui s'affrontent. Guerres au sujet d'héritages, légitime défense de commerçants agressés, infractions économiques mineures ou graves emportant des conséquences importantes sur des entreprises et leurs employés, les exemples ne manquent pas. D'autant que le secret de l'instruction n'est qu'une illusion. Le justiciable est-il jugé par l'opinion publique avec les médias dans le rôle du parquet avant le terme de la procédure judiciaire ? Sans doute, car les médias n'accorderont jamais autant d'espace à un non-lieu, une relaxe ou un acquittement qu'à une audition en qualité de témoin, une garde à vue ou une mise en examen.
Alors, dans le contexte médiatique et judiciaire contemporain, les avocats et les justiciables ont tout intérêt à s'adjoindre le concours de nouveaux conseillers qui savent écrire une histoire, un scénario, un storytelling, la version factuelle et juridique qui va dans le sens de leur thèse. L'adversaire, lui, n'hésitera pas...