Craignant que l’utilisation de services comme Google Translate par ses fonctionnaires représente un risque pour la sécurité nationale, le gouvernement du Canada a fait développer son propre outil de traduction automatique.
Nombre de requêtes soumises par les fonctionnaires fédéraux à des outils de traduction (Image : Radio-Canada).
Selon Radio-Canada, les fonctionnaires fédéraux effectuent plus d’un million de requêtes par semaine avec des outils de traduction commerciaux, dont le grand favori est Google Translate selon une proportion de 90%.
«Une agence de renseignement étrangère pourrait facilement littéralement se connecter sur ces services, et obtenir, peut-être au compte-gouttes, énormément d’information.»
L’utilisation de ces services implique bien entendu de transmettre des informations (parfois confidentielles) vers des serveurs situés à l’étranger. Bien que dans le cas de Google Translate, la connexion à ses serveurs soit sécurisée (selon une signature SHA-256, la norme actuelle pour les transactions bancaires), l’information ainsi transmise pourrait potentiellement être collectée, déchiffrée et analysée par un service de renseignement étranger.
«Une agence de renseignement étrangère pourrait facilement littéralement se connecter sur ces services, et obtenir, peut-être au compte-gouttes, énormément d’information», selon Michel Juneau-Katsuya, expert en sécurité nationale.
Qui plus est, le simple fait d’exploiter Google Translate signifie que l’information transmise est nécessairement lisible par Google. Et la firme de Mountain View se voit donc accorder la liberté – selon les contextes – d’en faire ce qu’elle veut.
Image : Radio-Canada
Il est important de préciser toutefois que Google ne devient pas propriétaire dudit contenu, contrairement à ce qu’affirment les documents obtenus par Radio-Canada (dont la déclaration concerne l’ensemble des services commerciaux). À ce sujet, voici ce que mentionne les règles de confidentialité et condition d’utilisation de Google :
«Lorsque vous importez, soumettez, stockez, envoyez ou recevez des contenus à ou à travers de nos Services, vous accordez à Google (et à toute personne travaillant avec Google) une licence, dans le monde entier, d’utilisation d’hébergement, de stockage, de reproduction, de modification, de création d’œuvres dérivées (des traductions, des adaptations ou d’autres modifications destinées à améliorer le fonctionnement de vos contenus par le biais de nos Services), de communication, de publication, de représentation publique, d’affichage public ou de distribution publique desdits contenus. Les droits que vous accordez dans le cadre de cette licence sont limités à l’exploitation, la promotion ou à l’amélioration de nos Services, ou au développement de nouveaux Services.»
Concrètement, Google pourrait choisir, sans même connaître la nature hautement confidentielle d’un document du gouvernement canadien qui lui a été transmis, d’afficher celui-ci publiquement afin de promouvoir son service de traduction.
La sécurité nationale en jeu
Préoccupé par les risques de cyberespionnage, par cette brèche légale, et sans parler d’autres services de traduction sur le Web avec des conditions d’utilisation plus contraignantes pour les utilisateurs, le gouvernement a donc fait développer son propre outil de traduction.
L’initiative a cependant été présentée comme un moyen de favoriser le bilinguisme dans la fonction publique, alors que son véritable objectif était d’améliorer la sécurité nationale. Par conséquent, selon l’Association canadienne des employés professionnels, les fonctionnaires n’ont pas été explicitement informés qu’ils devaient dorénavant utiliser exclusivement le nouveau traducteur.
«Les instructions qui y sont incluses ne font aucunement mention de décourager les fonctionnaires d’utiliser les autres genres d’outils disponibles dans le commerce pour protéger la sécurité», a déclaré Emmanuelle Tremblay, présidente de l’ACEP.
Les services de traduction commerciaux seraient toujours utilisés par les fonctionnaires fédéraux, malgré l’entrée en vigueur de l’outil interne du gouvernement, dont le développement représente un investissement de 632 000$.