J'étais en plein séminaire quand j'ai commencé à recevoir des textos d'une certaine bonne amie avec qui je partage occasionnellement gossips et milk-shakes, m'annonçant...
... que La louve a reçu le Prix des Incorruptibles 2015-2016!
Je suis à la fois stupéfaite (honnêtement, je pensais que le ou la gagnant/e l'aurait su à l'avance) et absolument désolée, du coup, car ni moi ni Antoine n'étions à la remise du prix. Je ferai amende honorable bientôt, promis!
Les chiffres donnent le vertige: plus de 37 000 enfants sur 102 000 ont voté pour La louve. Les adultes ont aussi plébiscité le livre.
Quelle belle histoire que celle de ce petit conte, qui reste l'un de mes livres chéris préférés depuis le tout début. Je l'avais écrit pour J'aime Lire, il m'a été retoqué en comité éditorial: trop flippant. Ensuite, il est passé entre les mains d'à peu près tout le monde. Seules les éditions Alice (merci, Mélanie Roland!) y ont cru. Mais c'est grâce à Antoine Déprez, à ses peintures sublimes, que l'histoire a pris son envol.
La louve est pour moi un super exemple, quand je viens dans les classes, du rôle narratif et autorial de l'illustrateur. Souvent les enfants sont outrés d'apprendre que je ne 'choisis pas' 'mon' illustrateur, comme si c'était un/e exécutant/e qui m'appartenait personnellement. Non, je n'élève pas d'illustrateurs dans mon jardin pour me faire des dessins quand j'ai une bonne idée d'histoire.
C'est toujours un travail d'auteur à deux.
Antoine et moi avons travaillé ensemble sur l'histoire de La louve. Par exemple, la colombe de glace, qui dans l'original se trouvait posée sur une pierre, est maintenant sur un perchoir. Ce n'était pas pour 'faire joli'. C'est parce que la colombe, sublime mais menaçante, est un oiseau qui apporte la maladie et la mort. Il doit surplomber tout le monde: regarder de haut. Et au fur et à mesure qu'elle fond, c'est le perchoir lui-même, bientôt un simple bâton, qui devient terrifiant. On a une image magnifique du village déserté pendant la fonte des glaces, qui commence à ressembler à un gibet...
Ce sont des choix narratifs, pas décoratifs, et c'est ça l'illustration.
Antoine a aussi changé la toute dernière image du livre. D'abord, c'était celle-ci:
Je ne vais pas spoiler notre bouquin, mais ceux et celles qui l'ont lu sauront que l'image finale est différente; en fait, elle est exactement inversée: ce sont les enfants au premier plan, la louve derrière.
L'effet est fascinant: le lecteur dans le premier cas se retrouve 'avec' la louve, dans le second cas 'du côté' des enfants. Antoine a choisi de terminer le livre du côté des humains, avec une distance par rapport à la louve, qui reste à jamais hors de portée.
C'est un choix d'illustration, donc de narration.
Et je continue, à mon grand bonheur, à travailler avec lui puisque - scoop! - nous sortirons à un moment ou à un autre (je ne sais pas encore quand) une autre histoire, qui a un air de famille avec La louve, mais juste ça - une ressemblance, pas une suite.
Il y aura à nouveau des enfants et un village, et une rivière à traverser. Mais pour le reste, des chats, et une trouble histoire cachée...
J'ai vu cette année l'effet incroyable de la sélection Incos; ce livre qui était passé totalement inaperçu m'a soudain valu des emails de parents et de profs de la France entière. Je suis ravie, ravie, ravie qu'il ait été tant lu. Et ravie qu'il ait été lu aussi en la compagnie d'autres livres superbes, certains écrits et/ou illustrés par des ami/es, et qui ont eux aussi reçu des dizaines de milliers de votes. La sélection complète est ici, et la liste des lauréats là!
Bises glacées, et merci aux 37 000 et quelques louveteaux.