Il y a eu progrès.
À la sixième semaine dans mon garage, j'ai ouvert la boîte contenant le BBQ. Oh! je ne l'ai pas monté encore. ça se fera dans les trois prochains jours. Mais la boîte est ouverte. Je ne sens aucunement l'urgence car pour moi, une cuisson au barbecue, c'est un peu comme un film en salle ou une voiture de luxe, je n'y vois aucune valeur ajoutée. Même que lorsqu'on fait du BBQ, on mange généralement dehors et j'aime assez peu manger dehors. Les insectes de toute sorte s'y invitent et on est continuellement debout à courir des items oubliés dans le déménagement de la cuisine à l'extérieur.
Le cardinal chantait beaucoup et en effet, je sentais mon défunt père très près de moi ce jour-là. Un jour de congé où les mots BBQ, micro-ondes, paillis étaient inscrits dans la liste "faudrait" signée de la main de l'amoureuse.
J'attendais le plus tard possible pour une raison toute simple avant de changer le micro-ondes qui avait rendu l'âme . Les ados étaient maintenant forcés de venir sur-le-champs manger leur souper si ils voulaient le manger chaud. En revanche, notre gestion des restes commençaient à souffrir alors il fallait faire quelque chose. C'est ce que le cardinal venait me chanter aussi. Déniaise, fils!
Il y a de ces jours comme ça où je sens mon père tout près de moi. Des jours où inévitablement j'ai aussi vécu la présence du cardinal derrière chez nous. Cet avant-midi là, je voulais savourer mon congé et surtout terminer mon livre sur Chaplin pour en commencer un autre. Mais je sentais le souffle impérial paternel dans mon cou, comme quand je jouais le plus longtemps possible avec mes cartes de hockey, enfant, et que mon père m'avait demandé de faire une tâche quelconque.
Je crois que bien des choses sont des constructions de l'esprit. Mais je crois de plus en plus en certaines présences plus ou moins surnaturelles. Je ne veux pas trop vous emmerder avec ça, car je me sens moi-même un peu zouf quand je les vis, mais merde, je les vis.
Mon père me faisait le cadeau de sa présence morale ce jour-là.
Une journée très chaude et humide qui s'est transformée en déluge pluvieux.
(Coup de main de Dad, je n'avais pas arrosé mon bout de terre qui doit redevenir gazon)
Je me suis mis en mission micro-ondes.
J'ai été l'acheter dans un magasin de giga-vrac où on achète en général des tonnes de choses pas simplement un seul article. Peu consommateur, dans mon panier il n'y avait qu'un seul article: le micro-ondes. Devant moi, une femme, peut-être mon âge (je ne reconnais plus mon âge, j'ai plafonné dans ma maturité) qui elle, n'avait pas de panier, mais beaucoup de matériel. Des fruits, des légumes, du café en poudre, des accessoires. Assez pour remplir son sac à dos. Je n'ai pas pu m'empêcher de passer un commentaire.
"Vous allez apportez tout ça toute seule dans votre sac?"
"Je vais faire mieux, je vais pédaler jusqu'à Deux-Montagnes avec ma commande, mon chum et moi avons fait le choix de vivre avec une seule voiture, pour des raisons aussi écologiques que financières et je fais beaucoup de choses en vélo depuis"
"...depuis longtemps?"
"...depuis 1 an..." elle a rougi "On essaie..." a-t-elle ajouté, incertaine.
"C'est noble" que j'ai dit pour la rassurer. Et je le pensais. Je pense même que je l'enviais. Le temps de lecture en transport en commun me manque. Elle m'a expliqué qu'elle prenait son vélo jusqu'à la station de train, le barrait sur place jusqu'au lendemain, puis prenait le train jusque chez elle. Que c'était sa mère qui lui avait inspiré ce rythme de vie. Je trouvais franchement tout cela délicieux. Sain à plusieurs niveaux.
"Votre mère mène ce train de vie?"
"Ma mère me parle souvent" m'a t-elle dit avec dans les yeux une charme émotive nouvelle. J'ai laissé l'espace se meubler de son regard planté dans le mien. Elle semblait attendre une réaction de ma part, je n'en ai pas eu. Ses yeux brillaient d'un reflet perlé.Elle a rajouté:
"Ma mère est décédée subitement au mois de mai l'an dernier, elle n'avait que 59 ans".
Je crois lui avoir offert mes sympathies. Je ne me rappelle plus. Je venais de vivre un avant-midi où je sentais mon père tout près et là je croisais par pur hasard une femme qui sentait sa mère assez souvent près d'elle.
Sa mère morte.
Au retour, j'ai
J'ai été voir derrière la maison. Pas trouvé de cardinal en train de chanter.
J'ai cuit des brochettes sur un BBQ tout neuf.
Car je l'avais monté tout seul.
En me faisant chier, bien entendu.
Et c'est seulement là que le cardinal est venu chanter son chant de fin de journée...