Mon premier Lodge ! Il fallait le mois anglais pour que je me lance ! Et ce fut un bon choix, un roman que j'ai trouvé drôle et intelligent.
La chute du British Museum raconte une journée dans la vie d'Adam Appleby, jeune universitaire marié et père de trois enfants (et peut-être 4, il passera sa journée à en douter) Il prépare une thése sur "la structure des phrases longues dans trois romans anglais modernes", le seul souci étant qu'il n'a pas encore trouvé quels sont les trois romans en question ni quelle est la longueur d'une phrase longue... Il rejoint la bibliothèque du British Museum pour travailler sur ce sujet et se fond dans cette faune atypique : "des Américains compétents et consciencieux, vrombissant comme des dynamos, propulsés par des bourses du Musée Guggenheim ; des sikhs enturbannées, s'appelant tous Mr Singh et étudaient tous les influences indiennes sur la littérature anglaise ; des femmes boutonneuses, à lunettes, qui souriaient intérieurement avec cruauté quand elles relevaient une erreur faite par quelqu'un dans une note de bas de page ; et puis les phénomènes du Museum - le monsieur dont la barbe lui descendait jusqu'aux pieds, la dame en short, l'homme qui portait des chaussures dépareillées et une casquette de marin et qui lisait un journal en gaélique, un luth à une corde appuyé sur sa table, la femme qui prisait." p. 84 Son meilleur ami Camel fait partie de cette faune particulière car il prépare lui aussi une thése de doctorat sur les sanitaires -ou leur absence- dans les romans victoriens.
Lors de cette journée délirante, Adam sera peut-être à l'origine du pseudo incendie du British Museum, il aura le privilège de découvrir un manuscrit rare, mais en échange il devra subir les assauts d'une jeune fille vierge, et d'autres aventures tout aussi rocambolesques échelonneront sa journée. Il évolue de surcroît dans ce milieu universitaire si particulier, avec ses rivalités, ses thèses improbables, ses recherches de toute une vie, ses luttes intestines.
Malgré tout, la principale préoccupation d'Adam en ce jour, outre ses questions existencielles habituelles comme "où puis-je trouver un quatre pièces à 3 livres 10 shillings et 0 penny par semaine ? Quelle est la définition d'une phrase longue ? Voulez-vous acheter un scooter d'occasion ? Que faut-il que je fasse pour mon salut ?" p. 139, porte surtout sur la question de savoir si sa femme est oui ou non enceinte de leur quatrième enfant. Catholiques pratiquants, ils appliquent en effet les règles de l'Eglise concernant le contrôle des naissances et son interdiction officilelle d'user de contraceptifs artificiels. Pour éviter d'engendrer, ils appliquent la méthode rythmique, qui s'est avérée peu efficace. Elle brime surtout la vie érotique du couple, provoquant frustrations et angoisses.
Roman comique avec de nombreuses aventures picaresques, La chute du British Museum a aussi la particularité de faire de chaque épisode l'écho -au moyen de la parodie, du pastiche et de l'allusion - de l'oeuvre d'un romancier moderne bien connu (ou pas). Ainsi Adam rencontre Clarissa Dalloway, évoque les souffrances d'un héros de kafka placé dans les dédales de la bureaucratie, imite le style de Conrad, de Graham Greene, d'Henry James, de James Joyce. Les allusions sont subtiles pour le lecteur français, mais peu importe, le sel du roman n'est pas seulement là...
La chute du British Museum, David Lodge, traduit de l'anglais par Laurent Dufour, Rivages poche, 1965, 8 euros
Thème du Blogoclub de ce mois : Londres