Vingt-et-un virgule zéro neuf sept cinq, puisqu'ici on aime mieux les lettres que les chiffres.
C'était l'automne 2014 et les copines Marie et Sabine me narguaient avec leurs baskets fluos, elles rayonnaient, je les enviais un peu. Je me suis dit que si moi aussi j'achetais des chaussures roses, je vaincrais la malédiction des poumons trop petits et du coeur incertain.
On ne résiste pas aux chaussures roses. Pour faire bonne mesure, j'ai aussi acheté une veste rose: l'hiver pointait déjà le bout de son nez quand je me suis vraiment décidée. J'ai réveillé mon entorse. J'ai attendu patiemment (en jurant beaucoup) janvier. Et puis je me suis dit que j'allais vraiment enquêter et enfin découvrir ce qui nous pousse, tous, à sortir courir par tous les temps (outre les chaussures roses).
J'ai couru. Seule, dans les bois, sur les chemins. J'ai eu mal aux poumons, j'ai eu mal aux jambes. J'ai parfois eu froid, je suis souvent rentrée trempée. Mais toujours avec ce sentiment de victoire, quelle que soit la distance. J'ai couru pour évacuer, pour oublier, ou pour réfléchir, pour penser. Pour me dépasser. Pour m'octroyer un moment rien qu'à moi. Pour sentir le corps qui obéit, qui travaille et qui s'adapte.
Et puis l'envie de partager. L'envie du défi fou, du challenge qui paraît impossible pour moi. Samedi 28 mai 2016, la ligne du départ de mon premier semi-marathon. Avec G. et A., parce qu'il aurait été impensable de faire ce grand pas sans eux. J'ai un objectif avoué: terminer. Et un objectif secret: en 2 heures 30 si possible.
Je pourrais vous dire que j'ai été émue, que j'ai pleuré. La vérité, c'est que j'ai surtout beaucoup rigolé, entre les pipis buissons de dernière minute, le départ donné alors que j'avais complètement oublié ce que je faisais là, les douches surréalistes, les blagues. Les erreurs de débutante. La satisfaction de voir les kilomètres s'enchaîner sans souffrance.
Nous partons doucement, le parcours est très vallonné dès le départ. G. assure l'ambiance parfois un peu mollassonne derrière les barrières de sécurité. Il fait chaud et moite, au bout d'une heure de course, A. souffre un peu, et je freine pour rester ensemble. Au treizième kilomètre, G. me pousse dans le dos, il dit: c'est maintenant, tu y vas, lâche les chevaux, tu peux encore réaliser ton objectif. J'enfonce mes écouteurs dans mes oreilles, je traverse le parc, les rues du centre-ville pleines de monde défilent, des gens crient mon prénom, tendent la main pour un highfive, je trace ma route, ultra concentrée. Quinzième kilomètre, je sais que le parcours monte en continu jusqu'à l'arrivée. De plus en plus de gens marchent devant moi, je croyais qu'il serait réjouissant de les doubler, mais c'est le contraire: ils me donnent envie d'abandonner moi aussi. Je résiste. La nuit tombe doucement, les côtes s'enchaînent. Dix-huitième kilomètre, je me sens seule, j'ai envie que G. soit là, me file à boire, me fasse rire avec ses chansons cons. Ca monte raide, je l'entends me dire " allez on pousse avec le cul! ", je me rends compte que je n'ai mal nulle part, et qu'il est donc hors de question d'abandonner si près du but. Je me paie le luxe d'un petit sprint sur les trois cents derniers mètres, enfin à plat. J'arrive seule, je ne réalise pas vraiment, personne ne saute à mon cou en hurlant en même temps. Je savoure ma première médaille officielle en attendant G. et A. qui arrivent quelques minutes après moi. I DID IT!
C'est ma victoire à moi, celle d'avoir volé du temps au quotidien, celle d'avoir enchaîné les kilomètres d'entraînement seule, par tous les temps. Ce sentiment qui me gagne que tout est possible, si on le veut vraiment, si on s'en donne les moyens. C'est ça le secret du running. Temps officiel : 2h32'22 " , juste au-dessus de mon objectif. Il va donc falloir recommencer, et... c'est déjà prévu (fin septembre).
Merci à ma Supporter Team, vous êtes précieux.Les +
- -l'organisation au top, le nombre de bénévoles et leur gentillesse
- -les ravitos tous les 2,5 km
- -l'ambiance internationale
- -les encouragements dans les quartiers résidentiels / le centre-ville
Les -
-le parcours très vallonné, avec les 6 derniers km en côte (faut aimer)
-les douches... dehors
-l'ambiance un peu morne sur certaines parties du parcours (quartier européen désert et en travaux)