Presque une quinzaine d'années maintenant que les Américains commandent cette scène aux riffs lourds et au vaillant entrain : Pelican, en une poignée d'albums, a toujours su se faire hautement respecter, de la sage considération que l'on voue à ceux qui sont à la base d'un certain style. Ce style, cette dynamique, cette façon d'emmener la riffaille par-delà les montagnes et les courants : Pelican a toujours eu ce son qui convie au naturel, aux forces telluriques, aux arbres centenaires, et - particulièrement pour moi - à l'océan, à la mécanique infinie de l'océan, à ces immenses vagues qui se fracassent les unes contre les autres lors de sauvages et terribles tempêtes. On retrouve d'ailleurs souvent cette imagerie de la nature dans la discographie du groupe, que ce soit par les artworks ou les titres des morceaux, atmosphère profondément marquante qui trouva son pinacle lors de la sortie de The Fire in Our Throats will Beckon the Thaw. Cet album, sorti en 2001, s'imposait magnifiquement, posait les bases lourdement terrestres et marines sur de longs morceaux évoquant pour la plupart l'environnement dans tout ce qu'il a d'immuable, de grandiose et d'éternel.
Les Américains ont depuis changé la donne en raccourcissant leurs titres, en jouant bien plus sur une force metal peut-être plus traditionnelle mais toujours équipée de leurs reconnaissables et féroces mélodies, de leur façon sourde et titanesque de faire sonner leurs amplis. Sur scène, Pelican reproduit à l'identique une variété de morceaux issus de l'intégralité de leur catalogue, du plus vieillot ( Mammoth, du tout premier EP de 2001) au plus récent, avec quelques extraits de What We all Come to Need, et ménage l'ensemble des ses adorateurs par une présence assez sobre, sans extras, sans éclat: un déficit important de charisme qui fait principal état du groupe depuis leurs débuts mais qui n'impacte que peu la qualité intrinsèque des compositions et la bonne présentation de ces espèces de bourrasques héroïques et immobiles. L'impact négatif par contre que l'on ressent proprement et depuis toujours est probablement l'inflexibilité complète d'Herweg derrière sa batterie, droit et rigide comme un véritable poteau, depuis quinze ans : clairement, son jeu m'a toujours donné l'impression de prendre une douche tout habillé. Il est d'ailleurs systématiquement dénigré depuis ses débuts - certaines chroniques ne le pardonnent que très froidement - et contribue paradoxalement à l'identité du groupe, de par ses touches au manque absolu de finesse et ses anguleuses prises de décisions.
Quoi qu'il en soit, un bon concert, donc, que l'on pourrait presque qualifier de standard tant on peut être presque sûr que chacune des performances du groupe se ressemble, est reproduite à l'identique date après date depuis maintenant un bout de temps. J'ai obtenu ce que je suis venu chercher - à savoir proprement vivre ce que je ressentais alors dans ma chambre d'adolescent à l'époque de leur deuxième album - le public également, pour sûr, par ces morceaux directs, efficaces et concis, alors même qu'en filigrane, derrière cette soirée, il était amusant de constater que Pelican est un groupe qui résiste comme il peut au temps qui passe, loin de l'époque où le genre était véritablement à son apogée avec Isis et consorts. Pelican s'est doctement livré, s'est produit comme on attendait qu'ils se produisent, n'ont surpris personne et ont probablement ravi tout le monde. Et c'est bien là l'essentiel.
Vidéo
The Creeper (live)Setlist
01. Dead Between the Walls
02. Deny the Absolute
03. The Tundra
04. Ephemeral
05. The Creeper
06. Vestiges
07. Immutable Dusk
08. Threnody
09. Strung Up from the Sky
10. Last Day of Winter
11. GW
12. Mammoth