C’est vraiment pas de chance ! Les voyageurs qui ont tenté de prendre l’un des trains de la SNCF au départ de Montparnasse ce dimanche 29 mai vers 8H30 en ont été pour leurs frais : le trafic s’est retrouvé brutalement interrompu par une méchante panne informatique. Décidément, les dirigeants de la société nationale sont poursuivis par la malchance et manifestement, le sort s’acharne sur la compagnie publique. Zut alors.
Et quel coquin de sort !
Il aura ainsi fallu plus de deux heures pour que le trafic au départ et à l’arrivée de Montparnasse reprenne des allures normales en ce dernier dimanche de mai, alors qu’aucun train ne circulait plus dans la gare parisienne depuis 8h40 en raison d’une panne, qui, selon le groupe, aurait probablement été liée aux orages de la veille. Et en plus des TGV bloqués, l’incident technique a également affecté un certain nombre de trains de banlieue au départ et en direction de Montparnasse.
Apparemment, c’est un composant électronique défectueux des installations de contrôle des équipements de voie de la gare qui a provoqué le problème, et qui a été courageusement changé par les vaillants techniciens de SNCF Réseau, permettant le redémarrage graduel du trafic.
Toutes ces histoires de pannes électroniques voire informatiques, c’est vraiment ballot, surtout actuellement, alors que le pays est secoué par des grèves et des mouvements sociaux. Et le mois de mai aura été particulièrement riche en rebondissements électromécaniques foireux et autres soucis informatiques plus ou moins périphériques.
C’est ainsi que le 2 mai dernier, plusieurs trains se prenaient quelques douloureuses minutes de retard à cause d’un incident électrique sur le réseau ferroviaire du Languedoc et du Roussillon, survenu entre Narbonne (Aude) et Nissan-lez-Ensérune (Hérault).
C’est ainsi que le 20 mai dernier, des petits mouvements de grève venaient perturber le trafic normal des trains au départ de Paris-St-Lazare et provoquaient des retards conséquents sur la ligne Paris-Rouen. Zut et flûte.
C’est ainsi que le 23 mai dernier, de nombreux retards sont constatés sur la ligne Paris-Rouen. Les explications de la société publique sont limpides et rassurantes : 25 minutes de retard sont constatées en gare de Rouen en raison de « difficultés lors de la préparation du train en gare ». Ah, zut, des « difficultés lors de la préparation », voilà qui vient s’ajouter aux petits relais électroniques qui crament, aux programmes informatiques bugués et aux signalisations malencontreusement en panne !
Oh, de façon totalement fortuite et évidemment perpendiculaire à ces événements, on notera aussi que des grèves posées par Sud Rail ont obligé à supprimer les trains sur deux grandes lignes normandes. C’est sans lien, soyez-en sûr.
C’est aussi le 28 mai qu’on apprenait que le train Paris-Clermont heurtait un arbre entrainant des retards de plusieurs heures pour les malheureux passagers. Comme l’indique l’article, c’est vraiment « pas de chance pour les usagers »… d’autant que cela faisait suite à un vendredi 27 lui aussi chargé puisqu’en soirée, une dizaine de TGV avaient été retardés ou annulés pour une malencontreuse panne informatique impactant des milliers de passagers.
Tiens, dans l’article, on découvre (fortuitement) que, je cite :
Au moins trois personnes ont déclaré à une journaliste de l’AFP – l’une devait prendre le TGV pour Bordeaux à 18h01 – que la SNCF leur avait d’abord signalé que les TGV étaient arrêtés en raison de la présence de manifestants dans le tunnel de Massy, dans l’attente de leur évacuation.
Des manifestants, sur les voies ? Allons. Tout ceci est parfaitement impossible. De la même façon que les infrastructures sont bien tenues au point qu’aucun aiguillage ne vient à casser ou qu’aucun arbre ne viendra bêtement tomber sur les voies, il ne semble pas possible que des manifestants envahissent ainsi tunnels et voies où des trains passent. Tout le monde sait bien que c’est interdit et dangereux, voyons.
Maintenant, on ne peut s’empêcher de se poser quelques questions. Ces manifestants qui ont bêtement trottiné sur les voies, auraient-ils malencontreusement abimé les aiguillages ou les signalisations locales entraînant le quasi-gel de la circulation à ce point de passage ? Les soucis observés ces dernières semaines (une jolie pluie fine d’interruptions de service, de pannes matérielles aussi fortuites qu’improbables, de trains annulés, de retards plus ou moins dantesques, de grèves assumées) seraient-ils un symptôme ou le fruit d’un hasard franchement capricieux ?
La question n’est pas seulement rhétorique.
Les développements de l’enquête sur l’accident de Brétigny donnent tout de même quelques pistes inquiétantes sur l’état général du réseau ferré français, estimés « dans un état de délabrement jamais vu » par des experts judiciaires consternés.
Or, le fait que l’entreprise publique fasse actuellement des pieds et des mains pour camoufler sa responsabilité directe dans cet accident grave n’est pas sans interpeller au regarde des messages contradictoires qu’elle distribue actuellement lorsque ses trains arrivent en retard (ou pas du tout) : au début, des manifestants sont observés sur les voies mais plus tard il s’agira plus que d’un problème informatique, d’un problème mécanique ou d’un problème matériel quelconque, dédouanant encore une fois fort commodément le personnel de la société qui, malgré tout, semble empiler les soucis.
Alors oui, on doit se poser, franchement, la question : dans quelle mesure les problèmes observés sur le réseau ferré français sont-ils liés à sa vétusté ou liés à un sabotage d’une frange des employés de l’entreprise publique ? Du reste, l’état général du réseau et son entretien sont directement sous la responsabilité, là encore, de ces employés. À un moment ou un autre, on doit s’interroger sur le décalage maintenant béant qu’il y a entre les tarifs pratiqués par la SNCF, l’épongement systématique de ses dettes par le contribuable, et les résultats observés, vraiment pas glorieux.
Il y a, dans cette fuite de responsabilité, dans ce réseau délabré, dans ce j’mefoutisme total vis-à-vis de la clientèle, comme une odeur de « culture d’entreprise ».
On pourra toujours s’amuser des arguments éculés (mais resservis sans arrêt et sans honte) par les thuriféraires du tout-à-l’État expliquant les performances plus que médiocres de la société publique par l’ultra-néo-libéralisme galopant, avec en point d’orgue (horresco referens) l’abominable privatisation du rail anglais et ses mythes l’accompagnant – a contrario, celle des trains japonais n’est pas utilisée comme référence, pourtant claire, de ce qu’il faudrait faire.
Chaque grève supplémentaire, chaque incident matériel relancent la question de l’avenir de cette société publique dont l’avalanche récente de problèmes, de coûts financiers et, pire que tout, de coût humain ne laisse aucun doute sur l’impossibilité qu’il y a de la gouverner et la sortir du gouffre dans lequel elle est tombée ; on est maintenant au-delà des simples erreurs de gestion puisqu’on doit même parler d’atteinte à l’économie de tout un pays.
Dans ce contexte, la privatisation complète de cette catastrophe industrielle s’impose.