Selon Épicure, un hasard fondamental se trouve à l’origine de toute chose. Et je crois qu’il a raison : le fond éternel de la Nature est un désordre fondamental. Comme le désordre, ou le hasard, produit ce tout de la Nature, toutes les combinaisons possibles, il est inévitable qu’à un moment donné apparaisse une combinaison ordonnée. Le désordre produit l’ordre parce que l’ordre n’est qu’un cas particulier du désordre. Par exemple, si je mets dans une urne toutes les lettres qui correspondent à la phrase « Napoléon est mort à Sainte-Hélène le 5 mai 1821 » et si je retire de l’urne les lettres une à une, il est inévitable qu’elles finissent par former cette phrase. Il suffit d’attendre assez longtemps… Très longtemps. Il faut être patient avec le désordre. Les épicuriens présupposant un espace et un temps infinis, la Nature dispose d’un temps infini. C’est ainsi qu’elle est créatrice : de ce désordre fondamental naît continuellement l’ordre du monde. J’aime dire que la Nature est le poète premier. Tout ce que je vois, ces arbres, ces fleurs, cette beauté, égale les beaux vers d’un poète. C’est pourquoi, contrairement à ce que pensent ceux qui croient en la Providence, on ne peut pas préjuger de ce que la Nature est capable de produire.