Hélène Richard-Favre vient d'écrire un curieux essai sur Dominique de Villepin, Eclipse d'un poète solidaire.
L'ancien Premier Ministre français s'est en effet éclipsé de la vie politique française. Il serait plutôt poète que sage, n'en déplaise à Platon (qui, dans la République, préconise l'exclusion du poète de la cité...).
Dans un discours, le 19 juin 2010, lors du congrès fondateur de République solidaire, à Paris XIIIe, à la Halle Freycinet, il refuse le cynisme et la fatalité et appelle à plus de solidarité, registre plus affectif que rationnel.
Pourquoi ce court essai est-il curieux? Parce que s'agissant d'un essai consacré à un homme politique de la Ve République, il n'y est pas question d'idées politiques, mais de personnalité et de langue française.
Ainsi l'attention d'Hélène Richard-Favre s'est-elle portée sur le style de l'homme, les mots qu'il emploie, sur les affects que son discours mobilise: Sous couvert de raisons objectives, ce sont des sensibilités et des idéaux qui agissent pour mobiliser les foules.
L'écrivain franco-suisse n'a pas échappé à cet engouement suscité alors par Villepin, elle qui place aujourd'hui cette phrase en épitaphe à son livre:
En lui se sont fichés nos tourments et nos rêves,
Nos batailles, nos secrets.
Il s'est agi pour elle non pas de s'engager sur un plan politique (du moins au début), mais de contribuer à une action humaine: J'avais, pour ma part, décidé d'observer et de suivre le parcours de cet homme. Sans en conjecturer, j'estimais de sa voix qu'elle avait toute sa place à l'intérieur du champ politique.
Pourquoi avait-elle toute sa place? Parce que les qualités littéraires et oratoires de Dominique de Villepin confèrent à sa culture et à son expérience une dimension particulière, aussi exceptionnelle et remarquable qu'ambivalente.
Dans un article, publié sur son blog, à propos du livre d'Alexis Jenni, L'art français de la guerre, Dominique de Villepin suggère que la question littéraire est prioritaire dans le drame du pays, avant la question nationale ou la question sociale, et il déplore l'appauvrissement de la langue politique...
S'il déplore cet appauvrissement, c'est qu'un véritable amour de la langue l'anime: Lire Villepin ou l'écouter revient, parfois, à se laisser saisir sinon bercer par le rythme d'une prose jamais banale, jamais neutre, mais lancinante à l'occasion, sinon répétitive.
Villepin n'a jamais pensé que sa seule éloquence suffirait à sa réussite politique, mais il était certainement persuadé qu'elle devait prendre une part plus qu'estimable pour briguer la plus haute fonction de l'État, sachant toutefois que l'on scrute bien plus l'action et le bilan s'il a existé.
Quoi qu'il en soit, la fin de partie s'est jouée le 16 mars 2012, c'est-à-dire le jour où Dominique de Villepin a déclaré: Je suis empêché de me présenter à l'élection présidentielle, faute des parrainages requis.
Empêché: Que ce terme ait été privilégié par Dominique de Villepin pour signifier l'échec de sa candidature est lourd de sens mais duquel?
Francis Richard
Eclipse d'un poète solidaire, Hélène Richard-Favre, 88 pages, Éditions SIGEST
Livres précédents de l'auteur:
Nouvelles sans fin, URSS Editorial (2016)
Nouvelles de nulle part, URSS Editorial (2013)