C’est au cours d’un déjeuner lors duquel nous évoquâmes The Black Swan, le livre de Nassim Taleb, qu’Henri Kaufman me recommanda la lecture de ce livre. The Improbability Principle traite lui aussi d’événements hautement improbables. Mais contrairement à Taleb, qui explique ces faits surprenants par une erreur de modèle sous-jacent – sa diatribe contre notre tendance à voire des courbes de Gauss partout est percutante – David Hand, professeur de mathématiques à Imperial College tente une approche plus innovante, en posant les bases de ce qu’il appelle le « principe d’improbabilité ».
Il ne s’agit absolument pas d’un principe mathématique, mais d’une série de constats qui nous permettent de mieux appréhender comment des événements improbables – par exemple des événements dont la probabilité est inférieure à une chance sur un million, tels que gagner deux fois au Loto dans sa vie comme le couple en photo ci-dessus – peuvent se produire. Voici donc les lois qui forment le « principe d’improbabilité ».
La loi d’inévitabilité. Cette loi dit simplement que quelque chose doit se produire. Lorsqu’on lance un dé, une face doit apparaître. Chaque matin, le soleil se lève ou ne se lève pas. Etc. Rien de très transcendant à ce sujet, mais cela permet de rappeler que toutes les hypothèses possibles doivent être prises en compte. Toutes, sans exception.
La loi des vraiment très grands nombres. Cette loi, qui n’a rien à voir avec la loi des grands nombres classique, dit simplement que si on effectue suffisamment de tirages, ou si on dispose de suffisamment d’échantillons, ce qui paraissait improbable pour un seul tirage devient éminemment plus possible. Par exemple, au bout de quarante et quelques années de tirages bi-hebdomadaires, la probabilité de voir deux tirages identiques sortir au loto est supérieure à une chance sur deux: tirez-en les conclusions que vous souhaitez, notamment pour établir une stratégie de gains qui vous offre plus d’une chance sur deux de remporter le gros lot au bout d’une vie…
La loi de la sélection. Elle vous permet de distinguer ce qui est hautement improbable de ce qui est largement probable a posteriori. Par exemple, il est assez rare de briser l’écorce d’une noix sans l’entamer. Pourtant, des paquets de noix sans défauts se vendent fréquemment. Comment de tels produits peuvent-ils être aussi courants, alors qu’on devrait voir bien plus de paquets contenant des noix en morceaux? C’est simplement parce que les noix en morceaux sont filtrées (pour servir à d’autres types de préparations).
La loi du levier de probabilité. Elle exprime simplement le fait qu’un changement mineur dans les hypothèses d’un problème peut avoir un impact énorme sur le résultat. Et donc, que si on comment une erreur minime dans le calcul initial de probabilités, on peut rendre des événements probables hautement improbables. Et vice-versa.
La loi du suffisamment proche. Cette loi, assez proche de la précédente (comme quoi…) traite des approximations, notamment liées aux imprécisions des mécanismes de mesure dont on dispose, qui fait qu’on détecte des similitudes improbables là où il n’y a, en fait, aucune similitude. Ce peut être, par exemple, l’alignement de deux astres, qui a pu paraître un événement extraordinaire à une époque où on ne comprenait rien aux lois de la physique, mais qui est tout simplement anodin de nos jours.
Ce petit livre très sympathique ne vous apprendra pas grand chose en réalité, si vous êtes déjà féru de mathématiques ou de probabilité. Mais si les maths et les probas vous ont toujours posé problème (au propre comme au figuré), The Improbability Principle vous appendra à relativiser ce qui vous arrive. Et en réfléchissant bien, vous comprendrez facilement pourquoi ces événements extraordinaires dont on vous parle ou qui vous arrivent n’ont, en réalité, rien de bien particulier: ils relèvent tout simplement du « principe d’improbabilité »…
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