Antoine Defond. Nous l'avons quitté au 9ème épisode. Il a désormais un état civil presque complet. Régulièrement, il partait un soir en semaine porteur d'un message pour quelques hiérarques du National. Au 10 rue de Solférino, il se sentait plein de fièvre. Pourtant, sa tâche consistait le plus souvent à attendre. Quelques minutes ou plus pénible encore jusqu'au lendemain matin. Au début, il sortait boire un crème au Deux Musées. Finalement, il fit la connaissance de l'assistant parlementaire d'un député absentéiste, qui l'entraîna chez des confrères pour une petite soirée poker. Antoine était novice aussi les autres le prirent sous leur aile pour lui prodiguer tous les conseils dont ont besoin les débutants. A deux heures du matin, il repartait en ayant ramassé toutes les mises. Ca jouait raisonnablement, quelques billets de 5 ou 10 dans les premiers tours de table. On était là pour s'amuser. Une petite règle bien amusante mettait cependant du piment : toutes les 20 mn, la petite et la grosse blinde doublaient. On lui avait expliqué que c'était ainsi qu'on nommait les mises obligatoires du premier tour de table.
Ce soir là, toutes les lèvres bruissaient du même sujet. Le ton montait parfois. Comme c'est souvent le cas, les uns tenaient d'une position de principe courageuse tandis que les autres revendiquaient la nécessité d'opérer les changements indispensables. Les courageux reculaient devant les assauts des opportunistes, le front entier recula lorsque la pluie reprit. Elle avait fait une pause suffisamment longue pour que toute l'assistance soit revêtue d'une douce odeur de shish kebab. Maintenant, on s'égayait sur la loggia, autour du patio et dans les canapés design du salon. Dans les toilettes, un petit groupe de courageux opportunistes avait sniffé quelques rails et ils se regroupaient maintenant autour d'une piste de danse improvisée moitié dedans, moitié dehors. C'était mal vu de fumer à l'intérieur.
photo : Sennix2006