Magazine Société
C’est un peu tard pour le joli mois de mai, la poudre de l’insurrection a fait long feu. Elle ne s’éteint pas, fait même des étincelles mais ne veut pas péter. Du coup, on risque bien d’ être embêté avec cette fichue loi travail pendant de longues semaines.
Au début, ça paraissait pourtant simple : il y avait une loi très hypocrite (on va y revenir), un parlement, et un gouvernement qui n'a pas trouvé la majorité pour la faire passer.
Dans n’importe quelle démocratie, s’il n’y a pas de majorité au parlement, la loi est rejetée et on passe à la suivante. Mais en France, nous avons l’article 49-3 qui n’est rien moins qu’un outil de chantage.
Chantage exercé sur les députés : on tu nous passes notre loi, ou le gouvernement tombe avec un risque pas négligeable de dissolution de l’assemblée. Alors, entre les députés qui n’ont de « gauche » que l’étiquette, ceux qui sont élus de justesse et qui ne sont pas sûrs de retrouver leur siège, et ceux qui ont toujours été bien élus mais qui pensent qu’avec le bilan cacateux du gouvernement, cette quasi-certitude risque bien de s’évaporer, la loi passe de force, contre l’avis du peuple et de ses représentants.
Restent les purs, les vrais gens de gauche, ceux qui disent non. On les qualifie de frondeurs. Les résistants sont toujours des terroristes, ça éveille de sombres souvenirs de notre histoire. Ces frondeurs sont pourtant les seuls députés qui se souviennent que derrière leur mandat, il y a un peuple qui espère, le pouvoir et la presse complice conspirent à les disqualifier, à les traiter de « briseurs d’unité » et de phagocyteurs du parti.
Pourtant. Qu’entend-on lorsqu’on écoute Valls et ses fantassins ? « La CGT » ne veut pas venir discuter. » Mais le débat, il a eu lieu, Monsieur Valls. C’était à l’Assemblée nationale, le mois dernier. Il a eu lieu, tout le monde s’est exprimé, et si un vote avait pu avoir lieu, votre loi ne serait pas passée.
Et pourtant, le Tartarin persiste et signe : je viens encore de le voir à la télévision affirmer avec arrogance que le texte a été voté par l’assemblée. Non ! Il n’y avait pas de majorité pour cela, sans quoi il n’y aurait pas eu de 49-3…
En décidant de l’emploi du 49-3, Monsieur Valls a empêché le vote de se dérouler, brisé le processus démocratique, renversé la table des négociations, et menacé de renvoyer les députés au chômage. Lui qui veut tant faire contre le chômage…
Et c’est lui qui maintenant, après avoir brisé le débat avec violence, accuse les syndicats de ne plus vouloir négocier ? Ils ont raison de ne plus vouloir : c’est bien lui qui a tué le débat.
Ce monsieur Valls dont les qualités de négociateur seraient si grandes ? Témoin cette vidéo où il dit à un travailleur : « Vous ne me faites pas peur avec votre -tee-shirt, si vous voulez un costard comme moi, vous n’avez qu’à travailler ». Travailler ? Dans combien d’entreprises avez-vous travaillé, Monsieur Valls ? Combien de DRH avez-vous affronté, combien de licenciements avez-vous subi ?
Et cette dame El Khomri, qui déclare à BFM.TV qu’ elle entend la majorité silencieuse des Français lui dire qu’elle est pour cette loi travail. Elle va l’écouter où, cette majorité silencieuse ? En gardant des moutons, comme Jeanne d’Arc ? C’est peut-être les Français qu’elle prend pour des moutons…
Sans compter qu’elle doit fumer pas mal de pétards, « madame la majorité silencieuse, parce qu’elle a déjà dit exactement le contraire à Marine LePen...
Sans parler de Sarkozy, qui prétendait aussi la représenter en 2012…
En attendant, madame la Ministre du Travail vient de se faire plaquer par un de ses conseillers, Pierre Jacquemain, qui a claqué la porte en disant :
« C’est un beau ministère, qui est malheureusement détourné de sa mission, première : défendre les salariés ». et qui a rajouté, pour faire bonne mesure :
«En réalité, la politique du ministère du Travail se décide ailleurs, à Matignon. C'est le Premier ministre qui donne le ton. [ ] Malheureusement, aucune de ces avancées n'apparaît dans le projet de loi final.»
Mais alors, pourquoi elle se cramponne, la pauvre Myriam El Khomri, pourquoi se laisse-t-elle ainsi détourner ? Ah oui, une carrière à faire, elle est encore jeune. Même si objectivement, je ne suis pas sûr que son obstination à rester à son bureau ne sera pas plus lourd à porter qu’une démission avec les honneurs du corps social.
Elle s’est déjà vu affubler de plein de noms d’oiseau par la blogosphère, dont notamment « l’otarie savante du cirque Solférino ». Qu’elle prenne garde que ce ne soit pas ce genre de sobriquet qui lui serve de carte de visite pour sa « carrière à venir »…
Et cet argument "de merde": Cette loi apporte des améliorations au sort des travailleurs... (Quelques bricoles, en effet... )
Mais si le MEDEF veut faire des cadeaux, qu'il les fasse! Sans réclamer un bras en contrepartie !
Sinon, comment ne pas comprendre que les travailleurs préfèrent garder leur bras?
Les arguments des défenseurs de cette loi sonnent creux.
« Le licenciement économique facilité». Par des difficultés de entreprise. Et encore, on a déjà obtenu que ces difficultés doivent de présenter sur les sites français, la loi d’origine voulant que le calcul soit globalisé aux entités situées à l’étranger. Mais même avec ce bémol, la raison du patron restera toujours la plus forte et que le salarié deviendra totalement une valeur d’ajustement au mépris de toute considération sociale.
« Des ruptures pour inaptitudes facilitées ». Un simple tampon du médecin du travail vous déclarant inapte permet à votre employeur de se débarrasser de vous comme les beaufs jettent leur chien sur la route en partant en vacances.
« Un calcul du temps de travail modulable sur 16 semaines au bon vouloir de l’employeur ». Avec une durée étendue à trois ans s’il trouve un syndicaliste marron pour accéder à ses caprices.
« L’inversion de la hiérarchie des normes ». Jusqu’à présent, sur la base du code du travail, on pouvait négocier une couche d’accords de branche, puis une couche d’accords d’entreprise sous réserve que chaque couche soit, dans cet ordre, plus avantageuse pour le salarié que la précédente. La loi travail inverse cette hiérarchie, rendant ainsi caduques le code du travail et les conventions collectives, puisqu’ils en servent plus de base. Pourquoi les maintient-on, alors ? La loi ne le dit pas. En contrepartie, la loi prévoit de faire passer de 30 % à 50 % l’audience électorale assurant la validité de la représentation syndicale. Mais c’est un miroir aux alouettes: il s’agit de 50 % des votants aux élections syndicales, et non pas 50 % des effectifs de l’entreprise.
C’est le fameux « article 2 » qui a fait chavirer tout le projet, et auquel Valls et El Khomri se cramponnent comme à un radeau.
« Disparition des avantages individuels acquis » Si le patron décide de dénoncer l’accord collectif. Conséquence de cet article 2 dont la loi tire immédiatement des avantages patronaux…
Bref, le code du travail passé à la déchiqueteuse.
Ce que Hollande et Valls essaient de sauver en se cramponnant comme des morpions à cette loi scélérate, c’est la suite de leur carrière politique, des élections futures. Encore que s’ils réussissaient à la faire passer, traîner pareil fardeau les handicaperait pendant des décennies.
La preuve, dès que Juppé montre le bout se son nez, on lui ressort les grandes grèves de 1995….Au passage, notons que ce type est inconscient, dont le programme va bien au-delà de la loi El Khomri…
Et le petit Macron, qui clame partout que cette loi ne va pas assez loin !!! Ils s’y croient, tous ces « valets » du capitalisme ? Le terme fut jadis inventé par les communistes de cro-magnon, mais la preuve est bien là que l’histoire est un éternel recommencement.
Rendez-vous compte que rien que la réduction du taux des heures supplémentaires représente pour un bon nombre de salariés la suppression d’un mois de salaire par an. Comme ce sont les routiers qui ont porté le pet à la télévision, les grands hypocrites du pouvoir ont proposé de les exclure de la mesure…
Mais il n’y a pas que les routiers qui font des heures supplémentaires ! De quoi auraient-ils l’air s’ils acceptaient cette aumône et abandonnaient sur le bord de la route tous les autres salariés du pays. ?
Reste le problème du bobo socialiste qui constitue malheureusement une large partie de l’électorat rose. La plupart d’entre eux sont cadres, et ont des fins de mois pas trop problématiques. Alors, comme se battre pour des avantages qui ne sont pas vitaux, c’est fatiguant, que aller manifester ça devient dangereux vu la hargne des forces de l’ordre qui reçoivent des consignes qu’ils qualifient eux-mêmes d’illogiques, dangereuses et intenables, le bobo préfère se dire : « laissons passer Hollande, Valls et son petit Macron. Ça nous évitera d’avoir à affronter un jour le retour de Juppé, la vengeance de Sarkozy ou l’invasion des fachos.
Simplement parce qu’ils ne manquent de rien, et qu’ils n’ont donc pas un besoin impérieux de se battre. Et qu’ils ne sont pas prêts à retourner au combat si d’aventure, une élection mal fagotée nous amenait un nouveau film d’épouvante.
Ceux qui « ont besoin », eux, retourneront se battre, comme ils l’ont fait contre Juppé, contre Villepin, comme ils le font contre Valls. Et comme bien souvent, tous ceux qui ne se sont pas battus réapparaîtront le jour de la récolte avec leur beau discours "humaniste" en disant « Je vous avais bien dit que j’étais de gauche ».