Mikhaël Hers, 2014 (France)
Dès le second film (ajouter trois courts aux deux longs métrages), on identifie ce qui pourrait définir jusque-là tout le cinéma de Mikhaël Hers. Des errances urbaines, un groupe d'amis, des personnages plus ou moins ensemble, plus ou moins esseulés, un cercle d'acteurs retrouvés, ainsi qu'une évocation rohmérienne en mode pop anglosaxone (allusion par le titre à la chanson de Jonathan Richman, That summer feeling).
Après une assez belle séquence introductive où l'on suit Sasha (Stéphanie Déhel) dans la lumière d'un été, traversant des quartiers ouverts et verdis de Berlin jusqu'à l'atelier de sérigraphie dans lequel elle travaille, Mikhaël Hers découpe son récit au risque de le disperser. Sasha tombe morte comme évanouie : son copain Lawrence (Anders Danielsen Lie), sa sœur Zoé (attendrissante Judith Chemla), ses parents (Marie Rivière et Féodor Atkine, qui pour le peu joué sont un peu maladroitement filmés) vont devoir faire son deuil. L'histoire suit séparément Lawrence et Zoé, les rassemble et les sépare à nouveau. Loin de l'unité de lieu de Memory lane (2010), on quitte ici Berlin pour Paris, puis New York pour Annecy. Tout à fait conscient des thèmes auxquels il est attaché, on se dit que Hers écrit son scénario en réaction au précédent. Ainsi, il justifie la mélancolie de ses personnages par un deuil bien réel plutôt que d'en dissiper les causes dans l'humeur de personnages à l'insouciance perdue (toute l'atmosphère de Memory lane).
Loin du plan touristique, Mikhaël Hers porte cependant toujours un joli regard sur la ville : il place sa caméra dans les parcs, cherche aussi les hauteurs, collines ou toits d'immeubles, pour dominer l'espace urbain, comme s'il s'agissait d'enserrer un ensemble de quartiers, de mieux appréhender un bout de ville en tant que lieu de vie. De même, Hers filme Berlin, Paris, New York ou Annecy sans forcer les contrastes, au contraire même, en les estompant. Les villes gardent leur identité, des lieux emblématiques qui ne sont jamais saisis frontalement (Fernsehturm, jardins du Luxembourg, gratte-ciel et lac d'Annecy), pourtant elles apparaissent toutes dans des lumières douces et sous des angles paysagés comparables. Il y a aussi cette relation pudique, à la fois distante et touchante (à défaut d'être tout à fait forte), entre Lawrence et Zoé. Tout est possible entre eux, mais chacun vis-à-vis de l'autre reste discret, ose à peine. On exprime bien des réserves avec Ce sentiment de l'été, mais les polaroids, les vieilleries de la boutique de la frangine new yorkaise, les jouets exhumés pour le garçonnet et même le Super 16 utilisé par le réalisateur, finissent de construire une ambiance dans laquelle on se laisse finalement bien prendre.