La richesse de la langue française réside aussi dans son sens des nuances. Qu’elle s’appauvrisse, c’est le constat évident que nous pouvons tous faire, mais qui semble inéluctable. C’est le prix à payer pour la mondialisation de la communication, l’arrivée des nouvelles technologies et la démocratisation du langage.
Mais pourrait-on espérer de ceux qui sont les utilisateurs publics de la langue de garder l’œil sur un dictionnaire (accessible en un clic sur leur téléphone ou leur tablette qui ne les quitte pas) et d’utiliser, si possible, le terme juste. La plupart du temps, un terme inadéquat apparaît d’on ne sait où et tout le monde suit, comme par un effet de mode ou de snobisme.
On a assisté ainsi à l’arrivée aujourd’hui généralisée de « belle journée » au lieu de « bonne journée », bien plus juste.
De même, sans pouvoir enrayer le processus, je signale néanmoins ce qui arrive de semblable façon aux adjectifs « difficile » et « compliqué !
On remplace systématiquement ce qui devrait être qualifié de difficile par compliqué.
Or, les définitions de « compliqué » sont : qui possède de nombreux éléments difficiles à analyser ; difficile à comprendre ; qui manque de simplicité et complique les choses.
Celles de « difficile » sont : qui se fait avec peine ; demande un effort ; présente un danger ou une incommodité ; qui donne du souci ou du mal.
Reprenons donc ce que j’ai entendu ce matin en radio :
Le ministre Koen Geens (utilisateur extérieur de la langue, ce qui donne généralement une vue plus objective de ses nuances) dit : « Le monde est devenu plus dangereux, plus compliqué. » (Excellente utilisation, le monde est difficile à comprendre, à analyser)
Mais ensuite, à propos du trafic dû à la grève, quelqu’un dit : « Le trafic est compliqué. » (Non, il est difficile, soit : il donne du souci, du mal, il est incommode, il demande un effort, il se fait avec mal )
Où donc a-t-on été chercher ce « compliqué » ?
(Je reviendrai bientôt sur le sens de « significatif », qui appelle à peu près les mêmes remarques)