***
Écrit pour Le Matricule des anges
Fréquenter les chemins balisés n’est pas sans dangers. Curieux axiome que ce recueil de nouvelles démontrera si besoin était. Chacun des cailloux du sentier où l'auteur avance d'un pas trop assuré semble cacher quelque référence littéraire évidente, une série de noms plus ou moins disparate qui reliés ensemble configureraient une certaine carte des lettres du vingtième siècle (hispanophone, mais pas seulement). Une écriture de l'invention paradoxale, du conte fantastique, de l'inquiétante étrangeté, de la biographie apocryphe ou du jeu littéraire. Borges ou Calvino, Cortázar ou Wilcock, Schwob ou Perec semblent embusqués derrière chaque buissons, trop rachitiques pour bien les cacher. Règne alors un air de famille gênant. On pourra également ajouter en grandes lettres de craie sur le tableau le nom du guatémaltèque Monterosso, cité en guise de prologue, ce qui permet à Martín Sánchez de revendiquer à travers les mots d'un autre l'identité diverse de sa boîte à malices hélas pas si malicieuse. Piquer son job à la mort lorsqu'elle vous rend visite ; l'écriture poétique comme prolongation du corps sous forme de doigts en crayons ; le monde en proie au sommeil car c'est dieu qui ronfle à tue tête ; un comique qui saborde son spectacle dans l'espoir de dérider un vieillard au visage paralysé, etc. Autant de scénettes qui se lisent sans déplaisir, la facture meuble du style y contribuant. L'on ne peut s'empêcher de regretter pourtant une fantaisie si peu chahutée, contrôlée jusqu'à mettre les deux pieds dans le plat de l'évident, ne quittant jamais les confortables casiers d'une invention molle qui à force de chercher l'effet de surprise avec de gros sabots en finit par trébucher sur la routine du prévisible. Difficile d'écrire depuis une tradition (fusse-t-elle élastique) sans en tirer les conséquences. Le lecteur, lui, le fera. Il lui suffira d'aller fureter dans sa bibliothèque.