Le 5 juin prochain les suisses votent sur le revenu de base inconditionnel, soit l’octroi d’un revenu de 2'500.- par personne et 625.- par enfant. Ceci signifie un revenu global de 6'250.- pour une famille de 4 enfants, sans devoir travailler. Jackpot. Que rêver de mieux en matière d’indépendance financière ?
Recevoir un revenu fixe tous les mois sans devoir travailler c’est ce que cherche tout futur rentier. L’opportunité offerte par cette initiative populaire est donc un véritable cadeau pour tous ceux qui cherchent à acquérir l’indépendance financière. Imaginez le coup d’accélérateur énorme que cela représente. On pourrait pratiquement arrêter de travailler immédiatement, sans même devoir économiser et faire fructifier son argent en bourse. Si la rente proposée n’est malgré tout pas suffisante il suffirait de partir vivre sous d’autres cieux où le coût de la vie est moins chère, comme par exemple le Portugal, la Croatie, le Costa Rica, etc.
Tout ceci est bien beau... trop beau même. Mais alors, où est-ce que ça merde ?
Le problème c’est que justement tout ceci s’obtient sans effort, intégralement offert sur un plateau par l’Etat. Ceux qui me suivent régulièrement savent que la quête de l’indépendance financière est une voie paradoxale. Elle implique de travailler pour être tranquille plus tard. Elle implique également d’être à la fois en faveur du capitalisme, tout en voulant s’en libérer.
A moins d'hériter ou de gagner au loto, on ne peut pas devenir rentier avec de l’argent qui tombe du ciel. Ce serait trop facile. Cela signifierait que n’importe qui peut le devenir sans effort. Et pourtant il faut bien qu’à un moment donné certains d’entre nous aillent au labeur pour faire tourner la société. En travaillant pour économiser puis en plaçant cet argent sur des entreprises qui génèrent des profits on permet à la société de continuer à prospérer.
Donner de l’argent sans aucune contrepartie, cela signifie au contraire la mort du système. Au début, pendant quelques temps, tout ira bien. Mais rapidement il n’y aura plus personne pour créer de la richesse, plus d’argent pour payer les impôts, plus de personnes qui voudront se former, plus de main d’œuvre pour les entreprises, et au final plus d‘argent, que ce soit pour l'Etat, les entreprises ou les particuliers.
Alors oui, à titre purement égoïste et avec une vision à court terme, on pourrait voter oui à cette initiative. Mais le risque est énorme. Bien plus risqué que d’investir son argent dans des sociétés payeuses de dividendes. C’est le plus sûr moyen de faire faillite, au niveau national.
Ces considérations financières mises à part, on peut aussi se demander d’un strict point de vue personnel quel degré de satisfaction on peut tirer d’une telle démarche. En effet, le chemin vers l’indépendance financière est un parcours initiatique en tant que tel. Il implique de la discipline, de l’abnégation, du courage et de la persévérance. Il comporte des pièges, des embûches, mais aussi des moments de joie et de fierté. Finalement le chemin est autant, si ce n’est plus important que le but. Et lorsqu’on on y est arrivé, on peut être fier de sa réussite, qu’on doit essentiellement aux fruits de son propre travail, pas à celui des autres.
Recevoir de l’argent de l’Etat, sans aucune contrepartie n’est au contraire pas très valorisant. On peut même se demander ce que fera la personne de cet argent qui tombe du ciel. Elle n’a pas été habituée à gérer cette situation, à économiser et à investir. La tentation est alors grande de dilapider le revenu reçu et de se laisser aller. Le rentier en herbe au contraire connaît la valeur de l’argent et sait le faire fructifier. C’est son argent, pour lequel il a durement travaillé. Il saura en profiter, prendre des bons moments, mais il saura aussi ce qu’il faut faire pour que ces bons moments puissent perdurer.
Alors soyons responsables et votons non à cette fausse bonne idée.