Je commencerai par faire remarquer que depuis plusieurs années, le recueil de poésie Le ventre, de Tchicaya, édité chez Présence africaine, trônait dans ma modeste bibliothèque et que malgré d’incessantes tentatives, je n’ai jamais réussi à le terminer. Des difficultés à appréhender la poésie de Tchicaya U Tam’Si, un manque de volonté à produire l’effort de décryptage, une absence de contextualisation de cette œuvre dans l’ensemble de sa production. Une thématique lointaine, non maîtrisée par le lecteur que je suis : Lumumba, Congo, le fleuve, etc.
L’avantage de préparer une rencontre sur le sujet est cette assignation à approfondir l'abord d'un lecteur qui était, disons-le, relax et peu disposé à entendre et encore moins comprendre le cri d’un homme. Cette note de lecture touche aux recueils Mauvais sang (1956), Crépuscules-Largo, Feux de brousse (1960), Epitomé. On est à la fois dans des œuvres qui introduisent (Mauvais sang) la poésie de Tchicaya U Tam’Si et d’autres qui consacrent le poète au niveau continental (Epitomé) sinon international.
Mauvais sang pose dans son titre même, la question de l’identité qui sera récurrente dans l'oeuvre de Tchicaya. Une identité meurtrière pour faire un mauvais parallèle qui traduit à la fois la souffrance d’un individu isolé, légèrement handicapé, fils d’un grand homme politique congolais, arraché de son clan maternel,dès son adolescence expatrié vers la métropole. Fugueur. Forte personnalité néanmoins en opposition avec la figure du père.
Feux de brousse met en scène un environnement. On y retrouve la savane arborée du Kouilou, région de naissance de Tchicaya U Tam’Si. Les mots qu’il pose ont le mérite de faire revivre la flore, le cadre naturel de son enfance. Ilssont remarquables, ces mots, et les images sont particulièrement saisissantes. Enfant des villes, j’ai rarement mené des escapades dans la savane africaine. Toutefois, les mots de Tchicaya dans ce magnifique recueil, ont fait resurgir le souvenir de ces promenades d'antan… On note aussi la présence du fleuve et la fascination que le poète lui voue. C’est une thématique qui sera récurrente dans la poésie de ce congolais. Le fleuve. Le fleuve Congo. Il y a là une obsession passionnante chez Tchicaya U Tam’si, lui qui, d’unecertaine manière, est un enfant de la côte, des rivages de l'Océan. Pourquoi une telle focale sur ce fleuve ? Peut-être qu’au détour d’un vers, je pourrais vous répondre dans le deuxième sujet que je consacrerai à Tchicaya U Tam’si.
Dans le cadre d’Epitomé, on a le sentiment que le fleuve est un trait d’union, une passerelle qui lui permet de parler du Congo qui le fascine et qui vit une terrible saison dont l’un des aboutissements sera l’assassinat d’Emery Patrice Lumumba, leader charismatique de ce pays. Parler du Congo semble beaucoup plus évident pour celui dont le père fut une figure de la politique au Congo. Doit-on y avoir un dialogue détourné avec son père? Brazzaville n’apparaît à ce niveau de la compilationréalisée par Boniface Mongo M’Boussa que sous la forme de Sainte-Anne, cette grande église catholique bâtie à la lisière du centreville où résidaient leseuropéens et de Poto-Poto, le célèbre quartier populaire et indigène.
Mais, je parle. Le mieux serait de prendre un peu de temps et redécouvrir l'émission consacrée à Tchicaya U Tam'Si pour laquelle Henri Lopes, Boubacar Boris Diop ou le journaliste Joel Assoko ont bien voulu nous transmettre leur lecture de l'oeuvre du poète congolais. Le tout, avec le décryptage du critique Mongo MBoussa et les lectures de Patricia Bakalack.
En mode PC/ Laptop, l'émission est consultable sur le site de Sud Plateau TV.