En 2013 je m’étais pourtant dit plus jamais je ne fais cette course, trop dure, trop de cailloux, trop de pluie, trop de fatigue, trop de souffrance (voir le récit de 2013 http://www.runmygeek.com/2013/05/ultra-draille-le-recit.html).
Et puis fin 2015 avec Stéph on commence à en reparler, on en a fait des courses ensemble mais celle ci avait un parfum spécial, c’est chez nous, un ultra qui fait le tour de la maison c’est pas si courant que cela.
La course se rapproche et on commence à parler de faire cela en moins de 20h soit 5h30 de moins que la dernière fois, au début c’était une blague puis c’est devenu un objectif un peu fou.
La prépa s’est déroulée un peu comme en 2013 pour moi, même courses (sangliers, sauta roc, trail aux étoiles, trail de pignan et trail de Lodèves), même distance (650km/25000D+ depuis le début de l’année). Pour Stéph c’était nettement mieux qu’en 2013, bien plus de kilomètre, le tout de manière très régulière.
Donc les voyants étaient au vert jusqu’à ce que Steph soit durement secoué par la vie une semaine avant le départ, d’autres aurait flanché face à ce coup de la vie, mais pas mon Stéphane, il a sut en tirer une force à peine humaine qui m’a vraiment impressionné pendant cette course …
Départ 5h30
Après une nuit anecdotique pour moi, je n’ai pas réussi à dormir, je n’ai pas du passer les 3h de sommeil, trop de stresse, trop de pression certainement.
Nous partons après un rapide déjeuner vers Causse de La Selle lieu de départ de la course, pratique c’est à moins de 20 min de la maison.
Nous sommes prêt, l’émotion est forte, Stéph me sert fort la main avant le départ, c’est déjà une petite victoire d’être la ensemble. On est super content, le temps est magnifique, ça nous change de 2013 où l’on partait sous une forte pluie.
C’est parti, ça part vite, trop vite pour nous, on calme le jeu d’entrée, on sait ce qui nous attends. On a pas fait 1km que Steph retire sa veste, il fait déjà bien chaud et le soleil n’est pas encore levé. Premier échec de la journée pour moi, je débranche la poche à eau de Steph en rangeant sa veste dans son sac, il se retrouve le cul trempé
Le parcours est un peu modifié par rapport à 2013, on a le droit à une petite bosse en plus pour aller vers le mont haut, sympa comme choix, c’est mieux que la petite route que l’on devait emprunter avant.
6h20 le soleil commence à pointer le bout de son nez, ses rayons commencent déjà à nous chauffer. On sait déjà qu’il va falloir faire très attention à la chaleur, je repense à mon Hérault trail de 2014 raté à cause de la chaleur, je ne referais pas les mêmes erreurs (Voir mes 10 conseils pour rater un ultra)
Je ne suis pas au mieux à ce moment, j’ai mal au ventre et je suis très fatigué par ma nuit, après 1h30 de course j’ai des pensées négatives. Dans la forêt de Saint-Guilhem-le-désert je fais un arrêt technique (comprendre je chie dans les bois) et je laisse Stéphane filer en lui disant que je le rattraperai plus tard. Cette pause de 5 bonnes minutes me libère du ventre et je me reconcentre pour rattraper Stéphane, je l’ai laisser partir avec un coureur bien motivé à bonne allure, je dois donc mettre le turbo mais pas trop pour les rattraper. Il me faudra 20 bonnes minutes pour les revoir, ça m’a paru une éternité.
Nous attaquons la dernière descente vers Saint-Guilhem, on se fait doubler par une dizaine de coureur, la descente n’est pas technique, on préfère ne pas suivre car on est qu’au début de course.
Nous pointons en 87ème position au 23ème kilomètre après 3h05 de course.
Les filles et Arthur mon fils nous attendent sur ce premier ravitaillement, quel bonheur de les voir. Nous refaisons le plein d’eau, quelques tucs et on repart. Arthur (2 ans et demi) veut courir avec moi, je l’emmène sur 100m puis lui explique qu’on se retrouve au prochain ravitot et la c’est le drame, gros pleurs, le petit bonhomme pensait qu’il allait faire la course avec nous.
Direction Saint Baudille
J’ai sorti les bâtons pour attaque l’ascension, on monte à bonne allure et on commence à doubler, je commence à aller mieux, la fatigue s’estompe et je commence à pouvoir prendre des relais devant Stéph. On croise Dédou (un coureur Saint-Martinois) qui est cette année bénévole sur le festa. Après la chévrerie c’est la deuxième partie de la montée avec une succession de S sur un single caillouteux. On commence à voir les premières défaillances chez certains coureurs.
Steph accuse un petit coup de moux en haut de Saint-Baudille mais nos supportrices sont la avec le hurlement typique au loin qui nous redonne du courage.
On a gagné 11 plus sur cette portion de 11km que l’on boucle en 1h47.
Je remplie ma 3ème gourde sur cette portion, il commence à faire très chaud et partir avec 1.5L est vraiment le minimum pour rejoindre Pégairolles. Je mange pas mal également : camembert, tuc , banane.
Montagnes russes jusqu’à Pégairolles-de-Buèges
On repart assez frais, la piste est roulante et on a une bonne allure. Je profite enfin du paysage, quelle est belle notre région. Le pic saint loup est en vu, tout au fond la bas à plus de 80km.
Je ne pense plus à la distance qui me sépare de l’arrivée car cela entraine trop de pensées négatives, je change de stratégie et ne pense à chaque fois qu’au prochain ravito et au plaisir que cela me procure de retrouver ma famille, cela va s’avérer payant.
On enchaine donc les petites montées et les descentes sur la Séranne, on alterne entre piste et single track dans les bartas. On double, on double, on double, le choix de partir doucement était judicieux, la chaleur fait ses premières victimes.
On se met d’accord avec Stéph pour gérer Peyre Martine et roc blanc à très faible allure car ça sera au pire moment de la journée niveau chaleur et il ne faut surtout pas aller jusqu’à la surchauffe.
On attaque la descente vers Pégairolles, j’ai de nouveau un coup de moins bien et le ventre refait des siennes mais impossible de faire un arrêt technique dans la caillasse. Alors je descends comme je peux, Stéph avance bien lui.
Je m’accroche toujours un mon objectif, retrouver Virginie, Arthur et Anne, on prend vraiment chaud sur la fin de la descente, mes gourdes sont presque vides et il est temps d’arriver.
Une dernière montée et nous sommes au ravitaillement, les filles m’annoncent qu’il y a une douche, ce genre de détail qui vous regonfle le moral, je retire mon tee shirt et je m’asperge avec le tuyau pour refaire de suite descendre la température. Une membre du TTT vient discuter avec nous, elle est ici pour encourager Carole Adam qui n’est pas très loin derrière nous.
Mon Arthur me fait un gros câlin, ça me rebooste grave. On ne traine pas trop et on repart pour la première vrai difficulté de la journée.
A Peyre Martine ne fait pas chauffer la turbine
On repart donc en courant vers Peyre Martine, c’est moi qui donne le train, lent mais régulier ce qui nous permet de remonter plusieurs concurrents à la peine. Je surveille mon cardio pour ne pas forcer. Un coureur m’interpelle,
- “vous remettez ça ?”
- je lui dis “oui pourquoi ?”
- “j’ai lu votre récit d’il y a 3 ans”
ça me fait plaisir, c’est vrai que je ne blogue plus mais le blogue lui est toujours lu.
L’ami de ce coureur ne semble pas au mieux, ça sent le coup de chaud pour lui.
On continue la montée, j’en perds mes lunettes dans les buissons …
Arrivés en haut Steph a besoin d’une pause, on s’assied le temps de récupérer un peu, je continue de me mouiller la nuque et je bois abondamment tout en faisant attention de garder suffisamment d’eau jusqu’au prochain ravitot (1.5L quand il fait plus de 27°C c’est peu)
Je prends quand même le temps de faire une petite vidéo pour tenir au courant la famille et les amis.
#ultradraille
Une vidéo publiée par david verrière (@runmygeek) le 21 Mai 2016 à 5h32 PDT
On avale le reste de la montée jusqu’à basculer sur Saint-Jean-De-Buèges. La descente que j’apprécie tant d’habitude m’est beaucoup moins sympathique, j’ai un peu de mal à trouver des appuis qui ne me font pas souffrir du coup la descente n’est pas très rapide.
Saint-Jean c’est la base de vie, dans ma tête ça veut dire pâtes, fontaine source de la Buèges, Virginie et Arthur, je m’interdis de penser à Roc blanc, on verra quand on y sera.
On arrive donc sur Saint-Jean, mon petit Arthur est toujours pleins de sourires et super content de retrouver son papa, ma chérie gère tout :
- elle m’apporte une assiette de pâte
- rempli mes gourdes
On prend le temps de se poser un peu :
Nous sommes maintenant en 56ème position après 9h21 de course. Mon voisin Olivier est venu me voir sur ce ravitaillement ça m’a fait super plaisir.
Roc Blanc c’est ma crainte de la journée, j’avais abandonné sur l’Hérault trail en 2014 suite à un coup de chaud sur cette montagne, hors de question que le même scénario se répète.
Avant de partir, passage au toilette (je pisse rouge/orange/marron, c’est pas bon signe mais je me dis que c’est la boisson isotonique qui donne cette couleur), on passe ensuite à la fontaine, je mouille mes manchons de compression et ma casquette.
On repart à l’assault du Roc, on est à mis course.
Roc blanc faut y aller doucement
Même stratégie que pour Peyre Martine, on ne force pas, on se concentre sur la montée et la encore on double tout en allant doucement mais régulièrement. On ne pettera pas notre record d’ascension ce jour mais c’est c’est pas l’objectif. Coup de chance par rapport à 2014 il y a un peu de vent, ce qui fait baisser un peu la température.
J’ai mal à un rein, tant pis pour la réserve d’eau, vu la gueule de ma pisse tout à l’heure ça commence à craindre, alors je bois, je bois. Au bout d’une heure la douleur est partie. Entre temps à la fin de la première grosse montée on se pose en mode micro sieste avec Stéphane à coté d’une bénévole.
10 minute de pause, Carole du TTT nous redouble, on repart peu après. Cette portion n’est pas très agréable, il s’agit de grandes dalles parsemées de crevasses, il faut faire très attention. On restera un moment derrière Carole avant de la redoubler, Stéph me dit qu’elle a fait un 24h il y a moins d’un mois, une vraie machine.
Sur la dernière crête qui mène à roc blanc on était Anne hurler, que c’est bon, on arrive ici sans casse et sans coup de chaud, ça commence à sentir bon. Je sais que le plus dur est passé pour moi et que l’arrivée est enfin envisageable même si il reste 50km.
Ici encore on ne lésine pas sur le ravitaillement, je suis à sec, ma chérie encore une fois me refait le plein, mon Arthur fidèle au poste est toujours prêt pour courir avec nous avec paraine et marain
On est 51ème après 12h de course, on continue de remonter dans notre classement.
Brissac Tout Schuss
On accélère pour descendre sur Brissac, c’est dur mais on s’accroche tous les deux, on redépasse pour la dernière fois Carole qui nous avait repris au ravitaillement. La descente est parfois très technique et on reste bien vigilent malgré la fatigue.
Il n’y a que 7km jusqu’à Brissac avec uniquement de la descente, c’est un peu le repos pour nous.
On arrive donc à Brissac en 48ème position en 13h46 de course. J’ai quand même besoin de me poser un peu, je retire les cailloux de mes chaussures, Arthur m’imite ça me fait bien rigoler. On ne s’attarde pas trop, je pense au prochain objectif Saint-Etienne-d’Issensac à environ 9km, il n’y a pas de ravitaillement la bas, juste un point de contrôle et surtout notre équipe de soutient.
Issensac et Notre Dame du Suc
On avale relativement bien la montée de Notre Dame du Suc et on redescend ensuite vers Issensac. Les pleines d’herbe nous font du bien, on peut dérouler et avancer à bonne allure, les 9km passent vite pour nous.
Sur le pont j’ai besoin de me poser par terre 5 min, les bénévoles s’inquiètes mais je les rassures, en repartant Stéphane bave devant le sandwich au jambon d’un monsieur, il partagera avec nous, 1000 fois merci à lui.
Vers Saint-Martin-De-Londres en passant par la guichette
A partir du pont jusqu’à l’arrivée on est vraiment chez moi, c’est ici que je fais 90% de mes entrainements. Je n’arrive pas pour autant à courir dans la combe pluvieuse, la pente n’est pas très forte mais il reste encore 30km alors il faut garder un peu de réserve. On reprend encore quelques concurrents jusqu’à la Guichette.
Ce ravitaillement est atypique, en plein forêt on se retrouve avec des guirlandes, des bénévoles gentils comme tout, une fantastique soupe miso et de la tarte aux abricots. De quoi nous regonfler pour atteindre Saint Martin.
Nous sommes maintenant 41 ème après 15h30 de course, ça semble compliqué pour faire moins de 20h il reste quand même 30km par contre 21h c’est jouable on repart donc.
Au niveau de la traversée du Lamalou il est temps de mettre les frontales (il y a 3 ans nous les avions mises à Issensac).
Steph me dit que les filles nous attendent peut être à la route du Frouzet, ça m’aide à garder le rythme, une bonne bosse puis de la piste nous attendent. On enchaine tout ça sans trop de difficultés même si ça me parait bien plus dure que lors de mes entrainements.
Les filles sont la ainsi qu’Olivier qui nous apprend que le parcours a été modifié jusqu’à Saint-Martin, il y a une bosse en plus, je connais cette montée j’espère juste que le parcours n’a pas été plus rallongé que cela.
Nous arrivons à Saint-Martin après 17h38 en 38ème position, nous sommes en bien meilleur état qu’en 2013.
Dédou est encore la, il m’amène un matelas pour me poser, j’y mange pâtes et soupe.
On approche les 30 minutes de pause il est temps de repartir (1h30 de pause en 2013 ici) mais au moment de resserer mes bâtons une forte envie de vomir me prend au ventre. Je file au toilette et ressors tout ce que je viens de manger … pas cool.
Bon je remange 2 tucs et Anne me donne un cookie pour repartir.
Direction Cazevieille
Il nous reste 17km, jusqu’à la montée vers Cazevieille c’est très roulant, on avance donc à très bonne allure comme poussé par je ne sais quoi.
On continue donc de doubler des coureurs mal en point, nous étions dans leur cas il y a 3 ans.
Puis on attaque la montée, Stéphane me dépose littéralement, je n’arrive pas à suivre il est vraiment en mode machine, remplie d’une certaine euphorie comme si les 110 kilomètres parcourus n’étaient pas la.
Je sers les dents et pense à une promesse que j’ai faite, je ne lâche rien, pas question de laisser tomber mon pote.
On arrive sur Cazevieille avec 30 d’avance sur l’horaire prévu, on a vraiment survolé cette portion, Anne dort dans le berlingot, Virginie nous a entendu au ravitot, on ne traine pas, un coca, un bisous et on repart.
Saint-Mathieu-de-tréviers c’est l’arrivée
C’est la dernière montée et la dernière descente, la montée se passe bien, je connais le moindre de ses cailloux. Par contre pour la descente, j’ai beau également la connaître, mes pieds sont en compotes je n’arrive pas à avoir de bons appuis donc je subis. De plus le brouillard s’est levé et avec les frontales on ne voit pas grand chose.
Mais peu importe, on va boucler pour la seconde fois cet ultra et on commence à avoir le cœur léger.
Arrivé sur le bitume de Saint Mathieu, Stéphane me sert fort la main, ça veut tout dire, pas besoin de mots, on a encore vécu une sacré aventure tous les deux, tous les quatre, tous les cinq; tous les six.
Il ne nous reste qu’1km à parcourir, on regarde le chrono, si on se bouge les fesses on peut faire moins de 21h. Alors une dernière fois on accélère.
Dans le bourg, les filles sont la fidèles au poste, elles ont du mal à nous suivre, elles auront le droit de faire un bon sprint elles aussi.
20h59 de course ça y est c’est finit on l’a fait, 32ème place on en demandait pas tant.
Que c’est bon.
Mille merci à notre équipe :
- Anne la chérie de Stéphane
- Virginie ma femme
- Arthur mon fils
A tous ceux qui m’ont envoyés des messages de soutient en direct ou via les filles.
A Olivier et Dédou
A tous les bénévoles avec une mention spéciale pour ceux de mon village à la guichette et à Saint Martin