Etant un gros glandeur, je suis parti vendredi en séminaire au soleil sans avoir prévu un article à poster à temps. Du coup c’est aujourd’hui lundi que je vous propose mon cinquième et dernier article sur le cinéma coréen. Au programme : Frères de sang, une sorte de Soldat Ryan à la coréenne, plein d’amitié, de virilité, d’émotion… et comme d’hab un putain de bon film !
Frères de sang – La fraternité est-elle plus forte que toute idéologie ?
1950. Jin-Tae, un jeune garçon cireur de chaussures travaille comme un forcené afin de subvenir aux besoins de son frère cadet Jin-Suk et l’envoyer à l’université. Le 25 juin 1950 la guerre éclate et Jin Suk est enrôlé de force. Jin-Tae tente de s’interposer en vain. Afin d’essayer de le sortir de là, il décide de s’enrôler à son tour et de se porter volontaire pour les missions les plus dangereuses afin d’obtenir le désengagement de son frère en échange de ses actes de bravoure. N’étant pas au courant du plan de son grand frère, Jin Suk le voit peu à peu changer et se transformer en bête sanguinaire. Ne le comprenant plus, fatigué il se fait capturer et après avoir été torturé… Jin Tae passe au Nord…
Frères de Sang est le plus gros budget du cinéma coréen à ce jour. Une fresque épique relatant des faits qui laissent encore aujourd’hui une plaie béante dans le pays. Cette guerre soudaine à divisé beaucoup de familles en deux, séparées encore aujourd’hui par une frontière quasi-impossible à franchir. C’était aussi une période ou l’armée du Sud, désorganisée et avec peu de moyens, devait se confronter à un ennemi mieux préparé, ayant un accès à des vivres beaucoup plus facilement, subissant un endoctrinement… Bref, beaucoup de soldats du Sud finissaient par passer au Nord, croyant au miroir aux alouettes qui leur était tendu.
Un peu à la manière du Soldat Ryan de Spielberg, la grande force de ce film est de croiser la grande histoire avec la petite, de s’intéresser au destin de deux frères dans un contexte sur lequel ils ont très peu de prise, mais où chacun de leur choix s’avèrera décisif pour eux. Ce film a du coup une double fonction : à la fois devoir de mémoire pour expliquer aux plus jeunes comment s’est déclenché le conflit, mais aussi pour pleurer un pays autrefois uni où les amis d’un jour sont devenus les ennemis du lendemain.
Malgré son budget de douze millions de dollars, le film rivalise sans problème avec Il faut sauver le soldat Ryan, en terme de rendu visuel et de charge émotionnelle. Le fait de suivre le destin de deux frères que l’histoire va séparer permet de symboliser ces deux Corées qui marchaient main dans la main et qui aujourd’hui s’entredéchirent. Malgré son statut de film de guerre, Frères de Sang est avant tout un plaidoyer pour la paix, une main tendue répétant sans cesse l’absurdité de cette guerre.
Pour interpréter des rôles aussi forts, Kang Je Gyu s’appuie sur Jang Dong Gun, déjà dans 2009 Lost Memories que j’ai chroniqué la semaine dernière. Un acteur toujours aussi impressionnant, qui bouffe la pellicule dès qu’il est à l’écran. Il délivre une interprétation brillante pour son personnage complexe, torturé, obsédé par l’idée de protéger son frère coûte que coûte.
A ce titre, la fin du film est poignante et particulièrement déchirante. Dur de ne pas s’impliquer émotionnellement et de ne pas être touché par cette fin désabusée martelant une ultime fois son discours pacifique. Frères de Sang est une œuvre rare, injustement méconnue du public français, et qui fait la nique à n’importe quel film de guerre récemment sorti. Plus que jamais, le cinéma coréen montre qu’avec des moyens réduits mais beaucoup de talents, on peut déplacer des montagnes. A noter, le titre original Taegukgi, qui fait référence au nom du drapeau de la Corée du Sud, histoire de rappeler une fois de plus le contexte historique, patriotique et pacifique du film… Le film est disponible en DVD et sa vision est INDISPENSABLE !