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Michel Temer, à peine président mais déjà impopulaire

Publié le 23 mai 2016 par Podcastjournal @Podcast_Journal
Rédacteurs et stagiaires: cliquez sur cette barre pour vous connecter en back-office de la rédaction! La crise n'est pas terminée au Brésil, loin de là. Malgré la destitution - pour l'instant de 6 mois avant un vote définitif à la fin de l'année - votée par le Sénat de la présidente Dilma Rousseff (Parti des Travailleurs, PT), le climat politique, économique et social reste explosif dans le plus grand pays d'Amérique du Sud.

Celle qui avait succédé à son mentor Lula à la tête du Brésil depuis 2011 (réélue de justesse en 2014) voit ainsi son ancien vice-président, Michel Temer, issu du PMDB (Parti du mouvement démocratique brésilien) prendre sa place, une place sur laquelle il lorgnait déjà depuis plusieurs mois. Alors que PMDB, un parti libéral de centre droit, était membre de la coalition au pouvoir derrière le PT (gauche), il avait retiré son soutien à la présidente fin mars pour faire monter la pression sur cette dernière et favoriser son impeachment. Accusée de maquillage des fonds publics, Dilma Rousseff était de plus en plus isolée et n'a donc pu empêcher les votes de l'Assemblée puis du Sénat entérinant sa suspension provisoire.

Malgré le retrait de son parti de la coalition gouvernementale, Michel Temer avait lui conservé son poste de vice-président, attendant patiemment que la fonction suprême se libère.

Ce changement à la tête de l’État, opéré sous la pression gigantesque de la rue brésilienne n'a pourtant pas mis un terme aux mécontentements. Le 15 mai 2016, deux jours après le retrait contraint de Dilma Roussef, les "panelaços", les bruits de casserole des manifestants résonnaient toujours dans les plus grandes villes du pays, de Sao Paulo à Rio de Janeiro en passant par la capitale Brasilia.

Il faut dire qu'à ce même moment s'exprimait le nouveau chef d’État sur la chaîne de télévision TV Globo que les manifestants voulaient simplement faire taire. A Sao Paulo, les manifestants pro et anti impeachment se sont même réunis pour hurler leur hostilité au nouveau président, au cri de "Fora Temer" ("Temer Dehors").

Le jour d'après, voilà à quoi sont confrontés les pro-impeachment, qui s'ils étaient hostiles au PT et à sa présidente, n'étaient pas pour autant supporters de son successeur. Lui aussi cité dans l'affaire de corruption tentaculaire autour de l'entreprise Pétrobras ("Lava Jato"), il est loin de susciter l'enthousiasme des Brésiliens, devenus méfiants à l'égard d'une classe politique dont peu peuvent encore faire valoir leur probité. Les débuts de Michel Temer n'ont rien fait pour arranger sa côté de confiance auprès de la population brésilienne. Aucune femme n'a été nommée ministre, une première depuis la fin de la dictature dans les années 1970, et le nouveau gouvernement est exclusivement blanc et composé de vétérans de la politique, pour la plupart cités dans l'enquête "Lava Jato".

Même s'il s'est finalement abstenu de nommer un adepte du créationnisme au ministère des Sciences et de la Technologie, il a néanmoins provoqué l'indignation générale en faisant disparaître le ministère pleinement consacré à la culture et en intégrant celle-ci dans un ministère de l'éducation élargie. Face à la protestation de nombreux artistes, le chef de l’État a néanmoins promis de nommer une femme à la tête d'un secrétariat à la culture qui resterait sous la tutelle du ministère de l’Éducation mais serait indépendant financièrement.

Son programme économique, très orthodoxe et visant à "tranquilliser les marchés" ne risque pas non plus de lui attirer la sympathie des Brésiliens, même s'il a promis de maintenir l'essentiel des politiques sociales du PT et notament la "Bolsa Familia", politique emblématique de la présidence Lula.

Politiquement parlant, la destitution de Dilma Roussef est loin d'avoir mis fin à l'instabilité puisque pour obtenir l'impeachment, le désormais ex vice-président a du marchander pour obtenir le voix d'une majorité de parlementaires. Aujourd'hui président, il doit distribuer les maroquins ministériels aux nombreux petits partis qui l'ont soutenu et ce alors que la classe politique est on ne peut plus fragmentée. Ainsi, aucune formation politique ne dispose de plus de 14% des sièges à l'Assemblée, ce qui fait planer le doute sur la réelle capacité de la nouvelle équipe au pouvoir à ramener de la stabilité dans le pays. Enfin, si Michel Temer n'est pas prophète en son pays, il ne l'est pas non plus chez ses voisins, qui ont accueilli pour le moins froidement le nouveau chef d’État brésilien. L'Union des pays de l'Amérique latine (Unasur) a dénonçé, par la voix de son secrétaire général, l'"interprétation absurde des libertés démocratiques" au Brésil, accusant implicitement Michel Temer de coup d’État. Une accusation reprise par le président du Salvador, Salvador Sanchez Ceren, qui a décidé de ne pas reconnaître le nouveau gouvernement brésilien, et par Cuba qui a évoqué un "golpe" (un coup d’État). Dans une Amérique latine très sensible au risque de putsch et où la plupart des pays sont gouvernés par des partis de gauche, le motif juridiquement contestable de la destitution brésilienne laisse un goût amer et risque de rendre difficiles les relations entre les Brésil et les autres pays qui l'entourent.

A trois mois des Jeux olympiques de Rio, le contexte est donc particulièrement instable au Brésil et l'éloignement du pouvoir de Dilma Rousseff n'a rien arrangé. Que cette dernière soit définitivement destituée dans six mois ou non, l'instabilité a peu de chances d'être résorbée sur le court terme. Alors qu'avancer les élections législative et présidentielle avant 2019 pourrait être une solution, elle a peu de chances de voir le jour au vu de l'hostilité dont souffre la plupart des partis au pouvoir.

Après une décennie 2000 qui l'a vu devenir un pays modèle, le Brésil est-il sur le point de gâcher cet héritage pour devenir un paria économique et politique en Amérique latine? Poser la question, c'est un peu y répondre.


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