La bousculade enfantine entre Justin Trudeau et Ruth Ellen Brosseau risque de coûter l'acceptation du projet de loi sur l'aide médicale à mourir.
Cet incident de mauvais goût à eu lieu mercredi dernier et le lendemain, on a pris tout le temps que l'on aurait pris pour débattre du projet de loi à parler de cette niaiserie. Le vendredi, on ne vote jamais rien car il faudrait attendre deux jours avant d'entériner les projets acceptés et des erreurs seraient faciles. On les entérine le plus souvent possible, les vendredis justement, une fois débattue.
Cette semaine en est une de relâche parlementaire. Rien ne se fera nulle part. Donc on reprend les hostilités, (le mot est choisi) le lundi 30 mai. La date butoir imposée par la cour suprême du Canada sur le sujet est le 6 juin. Il ne reste donc qu'une petite semaine de rien du tout pour se prononcer sur la question.
J'ai toujours été très ambivalent sur la question. Je comprends nettement la démarche toutefois. L'idée de vouloir quitter ce monde la tête haute. On parle tout de même de tenter une dernière fois de garder une certaine forme de contrôle sur l'insaisissable. Une envie tout ce qu'il y a de plus légitime de dire à la mort "tu ne m'auras pas comme ça, salope, tu m'intimides si peu que je vais devancer le coup et me rendre à l'ombre tout seul comme un grand"
Mon père est décédé exactement comme il a vécu. Une bombe. Il n'a rien vu venir. Il avait les deux patins dans les pieds, il sort de la patinoire, les lumière s'éteignent. On dit que lorsqu'il est né, en juin 1947. il était aussi sorti aussi vite qu'il est parti. Un bouchon de champagne. Jamais mon père n'aurait accepté une seule minute d'être diminué par la maladie. Encore moins d'être condamné. Mais en avait-il le contrôle? Si le cancer l'avait frappé de manière lente et irrémédiable, si il avait été devenu un souci pour son entourage, si il s'était senti un fardeau, une souffrance, une lourdeur, il aurait fait appel à des moyens d'accession rapide à ce que lui était promis.
Moi aussi, le jour où je sens que sur cette terre je nuis nettement plus que je ne sers, que je coûte cher en sous et en énergie à mon entourage parce que condamné par la maladie, je ne voudrais pas rester pourri vivant trop longtemps.
C'est pas évident de rester digne quand la mort vous viole de votre vivant. Le projet de loi, qui a fait bien paraître Véronique Hivon, part d'une idée noble, dompter l'indomptable. Quitter avec orgueil.
Mais si l'idée est potentiellement séduisante pour les condamnés, l'est elle autant pour les médecins qui administreront la mort?
Si peu. Tellement pas en fait, que le projet, tel que présenté en ce moment, laisse le fardeau d'exécution (jeu de mot involontaire)...aux infirmières! En effet, certaines infirmières (300) celles que l'on appelle les "super infirmières", seraient appelées à faire partir dans la mort, le vivant. L'ordre des infirmières et infirmiers du Québec n'a jamais été consulté sur la chose et ils sont restés étonnés d'apprendre ce rôle qui serait le leur si l'adoption de la Loi concernant les soins de fin de vie au Québec serait appliquée.
Même l'industrie pharmaceutique met les freins.
Bref, personne ne veut donner la mort. Mais tout le monde veut donner la dignité.
Et tout ça se comprend aussi bien d'un côté comme de l'autre.
Mais mon malaise ne s'arrête pas là.
Dans cette époque où tout doit aller toujours plus vite, prendront nous le temps de toujours bien penser la chose? De bien jauger l'entourage fatigué (Robert Latimer anyone?) qui prendra la décision "d'abréger les souffrances de leur proche" quand le patient ne sera plus en mesure de prendre cette décision lui-même? Est-ce qu'un suivi psychologique est prévu pour ceux qui prennent le leadership d'une décision familiale sur maman que l'on fera mourir dignement? Et si le regret venait les hanter des années plus tard? Bon, je devine que tout ça a été pensé depuis longtemps. On débranche tout de même des morts cérébrales depuis longtemps et ces décisions viennent des vivants de la famille.
Mais quand je pense à mourir dans la dignité, il me semble n'en voir que les potentiels travers. Les ratées. Je flaire des médecins incapables de procéder à la suppression d'êtres humains qui refileraient le fardeau de la chose aux infirmières.
Et la résistance , du médecin comme de l'infirmière est tout à fait compréhensible.
Nous ne sommes pas construit pour donner la mort humaine.
Ni même animale. Mais certains y arrivent.
J'anticipe beaucoup de saletés dans la mort dite digne.
Le projet de loi passerait la date butoir du 6 juin que plusieurs ne seraient pas tellement fâché.
Les gens qui veulent vraiment partir dignement trouveront toujours un moyen de le faire.
Mais cette loi donnerait des moyens à, justement, ceux qui n'en auraient plus.
Ambivalent je vous dis.
Prendront nous le temps de bien penser la mort d'un autre?
Auront nous le temps de bien penser la mort d'un autre?
Ils ont le crédit d'avoir pensé l'impensable, ce qui est tout à leur honneur,
mais maintenant qui réalisera l'irréalisable?