Cela fait un moment que je songe à écrire un billet spécial couvertures parce que souvent je m'interroge sur les intentions des services marketing. Pour celle-ci on dirait une jeune femme (rien à voir avec l'âge de l'héroïne) inquiète derrière la vitre d'un train. De là à suggérer un roman de gare ...
Alice est très seule le jour de l'enterrement de son mari, Michel, 62 ans, terrassé par une crise cardiaque. Aucun membre de la famille n'a fait le déplacement depuis leur sud-ouest d'origine. Leur fils est à Boston. Leur fille s'apprête à s'installer à Hong-Kong.
Alice perd pied, broie du noir. c'est normal. Elle reçoit un colis contenant un briquet de collection, que son mari avait commandé sur Internet juste avant de mourir, alors qu’il ne fumait pas.
Vous auriez sans doute eu le même réflexe qu'elle : aller fouiller l'historique de l'ordinateur de votre conjoint. Elle y découvre, stupéfaite, qu'il passait des heures à éplucher les annonces du Bon Coin alors qu'il prétendait détester l'univers de la brocante et de la seconde main.
La quinquagénaire succombe un moment à l'addiction (le terme de drogue figure p. 85) et devient accro à cette véritable caverne d'Ali Baba où l'on entre sans code ni identifiant, dans l'intimité d'inconnus pour une chasse au trésor sans fin. Pour Alice chaque objet exhume un souvenir d'enfance.
Son mari lui apparait sous un jour nouveau, plutôt sombre, parfois intolérant. On découvre un père dont les points de vue ont influencé les orientations professionnelles de leurs enfants. Juliette a sacrifié sa vie personnelle au profit d'une carrière : travaille, ensuite tu profiteras lui disait-il (p. 127). Ce mode de vie lui semble désormais être un marché de dupes.
Il y a dans ce roman tous les ingrédients pour une histoire intéressante mais j'ai eu le sentiment que les chapitres étaient bizarrement imbriqués. Entre eux le fil se tend puis se rompt puis resurgit. Avec de temps en temps des analyses très justes de la manière dont on peut avoir besoin du passé pour envisager le futur.
C'est ainsi que Bernadette Pécassou pointe l'intérêt des gens pour les maisons d'hôtes de charme (p. 144) parce qu'ils y trouvent un univers qui promet d'avoir une âme. Ils ont besoin de leur dose d'amour qu'on trouvait avant dans les maisons de famille (qui, sous-entendu ont disparu).
Le briquet devient une obsession. Alice pourrait tomber dans le piège de délaisser le réel pour se noyer dans le virtuel. Mais elle a une capacité d'adaptation hors du commun. Elle part sur les terres natales du sud-ouest à la recherche d'une vérité qui aurait pu foudroyer plus d'une femme.
Son affirmation "Je suis de celles qui restent" arrive à la toute fin du livre, sans provoquer l'émotion qu'on attendrait.
Je suis de celles qui restent, de Bernadette Pécassou, Editions Flammarion, en librairie depuis le 13 avril 2016.