J'ai des images d'un homme d'un mètre soixante à peine,très maigre qui se présente . J'étais dans le couloir du conservatoire à aider mon premier professeur d'oud et de chant Fariss Mohamed . J'ai entendu ce bon petit homme me demander où se trouvait le responsable, qu'il a nommé.
Je lui ai indiqué le bureau , alors que le professeur Fariss Mohamed en sortaii , car il avait entendu discuter. C'était forcément une visite car le conservatoire était silencieux en cette fin d'année avant 1981, je crois.
Les deux hommes se connaissaient . Ils se fait l'accolade et se sont embrassés. J'ai su par la suite que Fariss Mohamed avait pris contact avec des professeurs de musique d'autres localités pour qu'ils enseignent à Safi au un conservatoire vide sans professeurs .
Ceux-ci ne sont pas payés par le ministère de culture comme permanents ni comme titulaires mais rémunérés en heures supplémentaires, qui restent dues pendant une année au plus par manque de budget .
Les caisses du conservatoire étaient vides et plus personne ne voulait y travailler . Malgré les demandes des parents , la mairie n'avait pas présenté de financement pour le faire fonctionner . Ouvert pour la forme et c'est d'ailleurs, comme ça qu'il fonctionne depuis le départ de Safi et du Maroc des colonisateurs français . Ce sont eux qui ont créé le conservatoire pour leurs enfants .
L'arrivée d'Hassane Montasser n'était qu'une visite à son ancien ami d'enfance et d'art . Les musiciens se visitent d'une ville à l'autre et s'échangent des informations et des techniques de musique. Les spectacles hors de la ville leur permettent de faire des rencontres .
La deuxième arrivée du défunt professeur Hassane Montasser a été pour enseigner l'oud et le solfège au conservatoire de Safi . Je crois que c'est en 1983 quand le conservatoire a été déménagé de la vieille ville à Dar Assoltane, le bureau des Arabes , comme l'appellaient les colonisateurs .
C'était une année pendant laquelle le conservatoire a essayé de reprendre son souffle , même avec les bénévoles et a commencé à donner des cours . Le conservatoire était public et la participation symbolique, 20 dirhams ( 2 €) par an mais malgré tout , les élèves n'avaient pas de quoi payer. Les amateurs étaient souvent pauvres .
Le professeur Hassane Montasser vivait à Casablanca où il avait un orchestre de Mouachahat. Des chants orientaux de groupe ou parfois individuels. Il était le chef de cet orchestre et il participait à des émissions de la télévision nationale ou locale.
Après les déceptions et les attaques personnelles des amis/ennemis musiciens et le manque du soutien des responsables et des élus , Hassane Montasser a décidé de quitter Casablanca pour exercer à Safi .
Il a cru bien faire mais malgré tout , il a été là aussi très déçu . Après plus de six ans de travail , aucune aide , ni proposition de la part de la mairie de Safi ni des élus .
Des gâteaux et du thé pour les fêtes et le local pour passer le temps et présenter des discours électoraux puis chacun retourne chez soi. Tout est bénévolat, pour les élèves de conservatoire comme pour les professeurs .
Hassane Montasser a étudié en profondeur, la musique. Il est allé en Egypte pour des études de musique et d'oud dans une des grandes écoles, un conservatoire où le légendaire Mohamed Abdelwahab avait donné des cours . Après avoir eu une doctorat , il demandait la charité aux autres, sans poste fixe ou salaire mensuel versé par le ministère de la culture.
Malgré tout le professeur Hassane Montasser n'a manqué ni de courage ni de volonté, jusqu'à la fin de sa vie . Il n'a jamais parlé de sa situation car il ne pouvait pas révéler grand chose de la maladie qui rongeait son corps et son âme parce qu'il savait d'avance que ses paroles ne seraient pas entendues . Des paroles en l'air.
Il y avait des amis/ennemis qui se moquaient des savants et de ce genres d'écrits de musique pourtant exemplaires dans le monde.
Parfois avec un peu de musique et du piston on réussit à avoir de l'argent et du pouvoir au Maroc . C'est ce qui décevant .
Malgré la désillusion, le professeur Hassan Montasser est resté droit debout et à son poste , fidèle à son but jusqu'au dernier instant de sa vie .