ENTRE DEUX SESSIONS DU CONCILECHRETIENS ET COMMUNISTES
par GILBERT MURY Supplément aux Cahiers du Communisme n° 5 Mai 1964
[Gilbert Mury, 1920-1975, spécialiste des questions religieuses au Parti Communiste Français, il est en 1964 secrétaire du Centre d'études et de recherches marxistes dirigé par Roger Garaudy. Se ralliant aux thèses du parti communiste chinois, il rompra avec le PCF deux ans plus tard. NDLR]
En automne prochain s’ouvrira la troisième session du Concile. Dans quel esprit se déroulera-t-elle ? Il est d'autant plus malaisé de le savoir que la deuxième session a été marquée par un net ralentissement des travaux de l'Assemblée, à tel point que certainsmilieux catholiques se sont montrés fort désenchantés, sinon inquiets. Pourtant, les trois premières semaines s étaient déroulées dans un climat d'optimisme. Le nouveau pape Paul VI avait franchement affirmé sa volonté de poursuivre l'oeuvre de Jean XXIII. II avait placé à la direction des travaux les « modérateurs », pour la plupart libéraux. Sondiscours d'ouverture avait créé une impression favorable parmi les observateurs non-catholiques. Sa décision de réformer l'administration centrale du Vatican, profondément réactionnaire, pesait comme une menace sur des hommes comme le redoutable cardinal Ottaviani et semblait les condamner à la prudence.Cependant, cette deuxième session, à la différence de la première, avait à passer des déclarations de principe aux décisions pratiques et concrètes. La difficulté se faisait sentir d'adopter des mesures applicables dans les conditions extrêmement différentes les unes des autres où se trouvent les diverses régions peuplées de catholiques. A la faveur de telles incertitudes, le cardinal Ruffini, Mgr. Carli et divers porte-parolede l'Espagne et de l'Asie sous protectorat américain passèrent à la contre-attaque. La principale bataille fut livrée à propos de la collégialité épiscopale, c'est-à-dire de la thèse selon laquelle la souveraineté, dans l'Eglise, appartient à l'ensemble des évêques associés au pape. Les adversaires de cette collégialité prétendaient défendre la doctrine établie par le premier Concile du Vatican et selon laquelle tous les pouvoirs religieux sont concentrés entre les mains du seul Souverain Pontife. C'était, en réalité, défendre les intérêts de la curie romaine conservatrice qui, sous le nom du pape, entendait administrer l'ensemble du monde catholique. Les libéraux ne purent faire prévaloir leurs thèses qu'en incorporant à leur texte trente déclarations d obéissance au Vatican,dans un document de deux pages. Encore le vote obtenu devait-il être contesté par les intégristes pour des raisons de forme. Dans Je même sens, les évêques espagnols ont pris la tête de l'opposition à un schéma qui réservait seulement à la Vierge Marie une place subordonnée dans un texte consacré à l’Eglise. On sait que, traditionnellement, la dévotion particulière à la Vierge est liée à une attitude réactionnaire. De même, ils ont entrepris d'empêcher le vote d'un chapitre sur la liberté religieuse, destiné à condamner toute atteinte au libre choix du culte par les individus. Or, les autorités franquistespersécutent les protestants. Les choses devaient aller si loin que, à la veille du dernier jour de la session, deux documents anonymes signés « catholicus » — d'origine intégriste — étaient largement diffusés parmi les évêques, l'un condamnant la liberté religieuse, l'autre appelant à l'antisémitisme. De même un document, signé par 200 prélats réclamait une nouvelle condamnation du communisme.La majorité du Concile et le pape Paul VI lui-même ont, jusqu'ici, fait front à cette contre-offensive réactionnaire. Ils ont laissé ouvertes les perspectives tracées par Jean XXIII. A la veille de la troisième session du Concile, il n'en est que plus nécessaire, devant cette situation nouvelle, de rappeler quelle est la doctrine constante du marxisme à l'égard du christianisme, sans rien dissimuler de l’incompatibilité entre la foi chrétienne et l'athéisme, sans rien retrancher de la pensée propre aux classiques du matérialisme dialectique, pensée profondément tolérante et respectueuse des convictions qu'elle ne partage pas. Notre hostilité et notre mépris s'adressent à la réaction sous toutes ses formes, cléricale ou non cléricale. Notre recherche d'un dialogue amical, et au besoin scientifique, avec les chrétiens de toute observance n'est pas l'effet d'un hasard, elle exprime une position de principe.
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