C'est d'abord la voix de Nimrod qui nous retient et nous guide. Qui invoque, convoque l’enfance « entre l’inespérance / et la béatitude ». Un peu d’humour ici, discrètement, pour traverser le fleuve sur « un bac plus que probatoire ». Et l’homme, fait de contradictions comme le sont tous les hommes, présent devant nous, fraternel. Loin du Tchad, « des Tchadiens fantômes / Des Tchadiens vivants / Ici au Soudan au Mali / Bon Dieu c’étaient tous des Tchadiens / Pour qui on n’a jamais évoqué / Les Droits de l’Homme ».
L’adolescent qu’il était, haïssant et aimant « les superbes », les désigne un à un, tantôt orgueilleux, tantôt « nomades et souverains », Ethiopiennes rencontrées à Jerusalem, France parcourue sur les rails d’un Téoz. « Les superbes » entraînent dans leur sillage des mots comme « la purge des larmes », les verbes « souper » et « soupirer ». À « trois kilomètres d’ici », alors, il goûtait une « ivresse rimbaldienne ».
Le « tam-tam totémique » vient imposer son dessin à la page « au plus / HAUT / au plus / BAS ». Il faut bien cela pour atteindre le Chari, le « district nord de la beauté » : sur une page paire, le texte s’étire sous un ciel « dans son écrin de solitude » ; sur une page impaire, des haïkus font des îles, des gués, des pierres, des arbres, des nuages. Le grand fleuve et le lac reçoivent l’épervier, « sa moisson d’étoiles à pleines mains ».
Image du père jetant le filet déjà rencontrée, souvenir de la mère « courageuse sans être mère courage » : ici est né, bat « un coeur de poète ».