L’Almanach 16, Consortium

Publié le 20 mai 2016 par Doudonleblog

Au Consortium, l’exposition L’Almanach 16 est installée jusqu’au 5 juin.

Depuis février, début de cette expo, j’ai repoussé ma visite. Pas trop envie! Et puis, me suis décidée! 18 artistes exposent. Et…pas de lien entre eux. Ni par l’époque, ni par les matériaux, ni par le style etc. A priori ce n’est pas grave. Mais moi, j’ai souffert de ce passage du coq à l’âne, de salle en salle.

Ce que j’ai retenu parmi ces 18, dans l’ordre des salles arpentées:

Alessandro Pessoli et son animation sur le personnage farfelu de Fortunello (créé à l’origine par un comédien italien, début XXème). L’artiste a peint chacune des images d’un film de ce comédien. Huile, acrylique, pastel, tempéra etc. Et voilà ces milliers de « photos » qui passent, se succèdent, s’emboîtent, se superposent, se juxtaposent, se métamorphosent… C’est rapide, loufoque, poétique et coloré. Fortunello, malheureusement, chante. Et là… Carrément insupportable! (voix acide, criarde, et, bien sûr, incompréhensible).

Georges Pelletier, ensuite. Il  est céramiste. Jolies réalisations d’argile et de métal, agrémentées de petites lumières intérieures. Ce sont des objets très décoratifs (il y a même des miroirs) que l’on mettrait volontiers dans son salon ou sa chambre (ce monsieur a d’ailleurs créé des luminaires pour Bobois dans les années 60!) . Mais que vient faire cet artisan au Consortium? S’il y a derrière ce choix une raison, genre faire entrer l’artisanat d’art  dans la « haute société » de l’art contemporain, pourquoi pas. Mais dites-le. Manifestez-le.

Et voici Shirley Jaffe, américaine, née en 1923. Ses peintures ont des structures colorées, des éléments graphiques noirs, des motifs géométriques. Et tout cela est éparpillé sur fond de toile, souvent blanc, en compositions maîtrisées. Une écriture un peu à la manière de Miro. Une musique un peu à la manière de Kandinsky. Quand l’art quitte le figuratif et s’exprime seulement grâce à la couleur et aux formes… Toute une époque. Intéressant.

Didier Vermeiren, lui, a occupé une grande salle où ses sculptures dialoguent étrangement bien dans cet espace. Son art minimal a quelque chose qui touche. On ne sait pas trop pourquoi. Des cubes, des plaques… En pierre, en plâtre… Des petits parallélépipèdes en bois, superposés sur une colonne… Des « boîtes » creuses en bois aux faces découpées…Du noir. Du blanc. Des objets anguleux, rigides, lourds… L’ensemble est cohérent. Des photos, au mur, en parallèle à l’oeuvre sculptée, répondent aux socles qui occupent le sol. Oui, des « socles ». C’est ça l’essentiel de l’oeuvre de cet artiste. Sa recherche. Il les creuse, les « retourne » (comme un gant), les raccourcit etc. L’un de ces socles est en pierre noire, comme une tombe en marbre, posée sur une mousse polyuréthane: idée d’écrasement. On attendrait les statues qui seraient debout sur ces socles… Un Rodin. Un Carpeaux. Mais non. Fantômes.

Peter Wächtler, aime la culture populaire, nous dit-on (petit livret toujours fourni au visiteur du Consortium, merci!). Cette grande aquarelle sur papier raconte ce qui se passe au coeur d’une cité, fourmille de détails, décrit la simplicité et la difficulté de vivre ici. L’artiste fait preuve de modestie, de naïveté, d’humour, de réalisme et refuse de se prendre la tête. Ses céramiques qui montrent des poulpes, crabes ou serpents en train de combattre à mort sont volontairement de facture grossière mais ne manquent pas d’allure. Ces bestioles figées soudain dans leur extrême violence ne laissent pas indifférent.

Sinon, L’Almanach 16 nous fait la surprise d’accrocher des peintures du XVIIIème et du XIXème siècle! Oui, oui! Un artiste qui a fait des copies de Raphaël. Un autre qui a fait des toiles dans le style de Courbet. Choc! Surprise! Perplexité! Mais j’y ai pris du plaisir!

Dernière chose à retenir de cet Almanach: le déplacement de toiles de Claude Rutault. De celles qui occupent la façade du Consortium depuis 2012: « L’adresse ». Sept d’entre elles ont été retirées de leur place au mur, puis peintes en bleu (alors qu’elles étaient blanches), et accrochées dans une des salles dont les murs ont été eux aussi peints en bleu. Ton sur ton. (Cohabitation de la toile avec son mur, idée de cet artiste). A la place des oeuvres disparues, sur la façade, on a apposé des petites toiles bleues (mais on distingue, dessous, la trace des toiles enlevées), comme ces « bons de déplacement » que l’on voit dans les musées lorsqu’une toile a été prêtée à un autre musée ou partie en restauration et a laissé place vide au mur… Cette idée d’un travail d’artiste qui bouge, qui quitte provisoirement son emplacement d’origine (la « matrice » dit Rutault), qui se modifie pour l’occasion, qui vit une autre vie…Cette transhumance… Donne matière à réflexion.

Les visuels sont de Annie, merci à elle! Cliquer pour agrandir, en deux fois, et voir les noms des auteurs