Ce soir a lieu le vernissage privé de CCXCHH, une exposition d'oeuvres picturales de deux artistes trentenaires, Crystel Ceresa (1977) et Charlotte Hopkins Hall (1979), qui toutes deux oeuvrent et vivent à Genève (Charlotte oeuvre et vit aussi à Londres).
Cette exposition a pour écrin la galerie d'art contemporain de Laurent Marthaler, à Montreux. L'idée du duo est excellente puisque les oeuvres de l'une et de l'autre sont en quelque sorte complémentaires: l'autoportrait anonyme et les fleurs, l'être humain et la nature végétale.
Des meubles anciens, du XVIIIe, prêtés par la Maison Papon (Ch. de Champsavaux 10, 1807 Blonay), soulignent, s'il en était encore besoin, l'intemporalité de l'art. Car ces meubles de belle et fine facture sont en harmonie, et font bon ménage, avec ces oeuvres du XXIe, accrochées aux murs, qui les entourent ou les surplombent.
Les tableaux des deux artistes sont tous des acryliques sur toile. Sur la quinzaine de toiles exposées, la majorité d'entre elles est peinte dans le format 90X70cm, ce qui apporte de l'unité à leur complémentarité, à leur complicité (les deux artistes sont toutes deux émoulues de l'Ecole Supérieure des Beaux-Arts de Genève).
Charlotte a peint les portraits, toujours les mêmes et toujours autres pourtant. Il y a de la persévérance dans cette répétition imparfaite (les angles changent), comme si, en peignant, l'artiste psalmodiait. Les cheveux de ces portraits sont les siens, peints avec un grand souci du détail, et avec beaucoup d'autodérision.
Se peindre ainsi de dos est en effet une preuve d'humour, qui se retrouve dans le titre générique que Charlotte a donné à tous ces portraits: A Serious Contemplation of the Nature of Existence. C'est aussi l'expression d'un retour sur soi, qui donne une impression de silence, d'apaisement et qui témoigne d'une tendresse et d'une patience toutes féminines.
Charlotte Hopkins Hall et Crystel Ceresa
Crystel a peint les fleurs. C'est-à-dire l'éphémère par excellence. Mais l'art, par ses vestiges, a la vertu de pérenniser le temps qui passe... Ces fleurs sont toutes des fleurs apaisantes, aux teintes douces. Ces fleurs invitent à la rêverie. Certaines d'entre elles, inspirées de la peinture florale japonaise, sont des sakura...
Ces fleurs n'apparaissent pas au regard de la même façon suivant la distance qui les sépare de celui qui les contemple. A petite distance leur dessin semble inexistant, à plus grande il est véritable contraste. Ces fleurs variées de Crystel contrebalancent l'apparente uniformité des portraits de Charlotte, auxquels elles donnent d'autres couleurs, par proximité, par... capillarité.
Laurent Marthaler et Doris Sergy
Laurent Marthaler (licencié es lettres de l'Université de Genève) a donc pris le parti de l'élégance et du raffinement avec cette exposition. Il n'est donc pas étonnant qu'il ait demandé à la soprano Doris Sergy de participer à son vernissage. Elle s'est livrée de bonne grâce à un exercice auquel peu d'artistes osent se prêter, faire un récital a capella d'airs d'opéra en correspondance avec les oeuvres présentées.
La diva, qui s'est formée à Melbourne, Milan et Genève, a donc chanté des extraits de Gershwin, de Puccini (Madame Butterfly), de Purcell (Didon et Enée), de Puccini (Tosca), de Haendel et de Cilea (Adriana Lecouvreur). Au lieu qu'un orchestre lui permette de souffler à la fin de chaque extrait, elle utilise avec bonheur le silence impressionnant qui le remplace pour respirer.
Pendant qu'elle chante, bien sûr, celui qui l'écoute peut regarder, sans désagrément, ce prodige à la taille de guêpe (elle fait du stretching et du yoga), mais peut-être a-t-il intérêt, dans ce cas, en raison de la proximité que suppose le chant a capella, à fermer les yeux pour mieux recevoir les vibrations que cette voix émet et qui lui transmettront alors des émotions ineffables...
Francis Richard
CCXCHH
du 19 mai au 20 juin 2016
Laurent Marthaler Contemporary Art
Fairmont le Montreux Palace
Avenue Claude Nobs 2
CH - 1820 Montreux
tél.: +41 21 963 11 22