Il y a plusieurs façons de traverser la France : en avion (mais on ne voit personne, et bonjour l'empreinte carbone !), en TGV (le paysage n’est qu’effacements), par l’autoroute (et ses aires de repos comme vitrines), en train, en autocar… et par les routes auparavant nationales qui traversent des villages, des villes petites ou moyennes. Et s’arrêter ici ou là, comme on passerait dire bonjour à des connaissances. Mais Raymond Depardon ne vient pas à la rencontre de « connaissances ». Il vient écouter des gens, de ceux qui habitent dans ces villes moyennes, loin des grandes agglomérations (à l’exception peut-être de Villeneuve-Saint-Georges). Comme pour comprendre ce qu’est la vie aujourd’hui, en France. On ne peut pas en tirer de généralité puisque ce sont au contraire des personnes aux prises avec leurs existences singulières qu’on découvre. Comme si on pouvait s’immiscer dans les conversations de nos voisins, en toute (in)discrétion. La caravane se pose sur l’écran de ce film un peu comme le monolithe noir se pose sur celui de 2001, Odyssée de l’espace. Comme si ce qui sera le lieu de l’échange engageait l’avenir de notre humanité, de notre société. Et c’est bien le sens du langage, que le réalisateur va chercher chez Aristote : dans la mesure où nous parlons nous nous rapprochons pour former une cité. Se dégage cependant une certaine idée de la famille, des relations entre les générations, des préoccupations des jeunes femmes, des jeunes hommes, des rapports au travail, de l'amour. Le tout n’est certes pas particulièrement joyeux. Je suis surpris, alors que les chaînes d’information continue nous abreuvent en permanence des jeux politiciens, que la politique soit si absente des propos entendus. Mais c’est peut-être parce que la politique ne s’occupe plus de la vie, de l’avis, des gens qui habitent ici.