Après un retour aux sources d’une année aux Etats-Unis, PJ Kavaya a décidé de replonger dans l’aventure de la Ligue Elite. L’international américain distille son talent pour une troisième saison sous les couleurs de son club de cœur, Paris XIII, avec qui il a été sacré champion de France en 2013. Portrait de l’un des meilleurs joueurs qui est également l’un des personnages les plus attachants du roller hockey hexagonal.
Il est aujourd’hui une figure incontournable du roller hockey français. Quand il débarque sur les bords de Seine au début de la saison 2012-2013, rares sont toutefois ceux ayant déjà entendu parler de ce type au style décontracté, casquette vissée sur sa longue chevelure et dont le sourire se révèle d’emblée contagieux. Avec son compère Tyler Walser, il va aider Paris XIII à écrire la plus belle page de son histoire. Guidés par deux Américains au sommet de leur art, les Corsaires déjouent les pronostics et décrochent le titre suprême en venant à bout d’Anglet en finale.
Le nom de PJ Kavaya devient dès lors une référence dans nos contrées. L’arrière californien aime à conjuguer ses prestations au plus-que-parfait. Joueur ultra-complet, sa présence rayonne dès lors qu’il pénètre dans l’arène. Invariablement intelligent et inspiré dans ses options de jeu, véritable quarterback du powerplay, capable de fracasser n’importe quelle arrière-garde avec ses longues ouvertures venues d’ailleurs, il est en outre un défenseur de tout premier plan. « Peej » se plaît à enfiler le costume de « Captain America », se muant en super-héros passé maître dans l’art de contrer les tentatives adverses et de couper les lignes de passes, n’hésitant jamais à se sacrifier pour son équipe. Avec lui, tout semble simple et son aura rejaillit sur le collectif.
« Je n’ai jamais vu un joueur bloquer autant de tirs, il se jette devant n’importe quel joueur, confirme Florian Barbé, l’emblématique gardien de Paris XIII. Il est la pierre angulaire de notre défense et se montre excellent sur la première passe, la plus importante, celle qui met ses coéquipiers dans les meilleures conditions. Depuis son arrivée, je n’ai pu que constater sa progression et sa prise de maturité dans le jeu. »
California state of mind
Né à Newport Beach, au sud de Los Angeles, il y a 29 ans, le gamin ayant grandi au bord de l’océan a rapidement érigé le plaisir comme credo. Impliqué dans le hockey sur glace au fil d’un cursus l’ayant mené jusqu’en NCAA avec Western Michigan, il décide cependant d’arrêter dès lors que cela lui est apparu « comme un boulot » en raison de la concurrence et de la pression inhérentes à ce niveau de compétition. Il explique alors avoir trouvé dans le roller une discipline en parfaite adéquation avec ses valeurs. « Ce sport correspond complètement à ma philosophie de vie : les gens sont là pour l’amour du jeu, pas pour l’argent, précise-t-il. Je n’ai jamais rien fait dans ma vie pour l’argent, je veux juste faire ce qui me rend le plus heureux au monde. Dans le roller hockey, tout tourne autour de l’équipe, du fun, du sport pour ce qu’il est. C’est complètement différent. »
Hors du terrain, PJ est un joyeux drille, une boule d’énergie, un grand adolescent charmeur, jamais avare d’un bon mot et inoculant une bonne humeur communicative au sein du groupe. Son ancien compère Tyler Walser en témoigne : « Il est toujours le premier pour rigoler dans le vestiaire, c’est un peu le clown de la classe ! Il met l’équipe dans les meilleures conditions avec son insouciance. Un joueur tel que moi peut parfois être trop sérieux et concentré avant les matches. Donc avoir quelqu’un comme PJ, qui met l’ambiance et reste positif quoi qu’il arrive, c’est très précieux ».
Perfectionniste dans l’âme
Il ne faut néanmoins pas se méprendre. Derrière ses airs de gai luron, Kavaya est un homme qui sait ce qu’il veut et se donne les moyens pour atteindre ses buts. Son idole, plus jeune, était un certain Nicklas Lidström, et il a érigé l’ancienne gloire des Detroit Red Wings en source d’inspiration. « Il est pour moi l’incarnation du champion parfait : humble, intelligent, très simple et propre dans son jeu. J’essayais de regarder chacun de ses matches, je voulais l’imiter, s’extasie-t-il. J’ai beaucoup appris sur le jeu rien qu’en le regardant. Il n’avait pas besoin de trop parler, c’était un leader par l’exemple. Et il était toujours régulier ! »
L’éducation reçue de parents qu’il admire au plus haut point a également joué un rôle particulier dans sa construction. « Ils m’ont toujours soutenu, jusqu’à aujourd’hui. Ils n’ont jamais dit ‘non’ quand il s’agissait de m’emmener à un entraînement. Mais ils m’ont aussi toujours fait comprendre que les études passaient avant le hockey. Je n’ai jamais manqué un jour à l’école et si je ne ramenais pas des A ou des B à la maison, je risquais d’avoir des problèmes. » Il met un point d’honneur à décrocher son diplôme universitaire, une chose dont il est réellement fier. Car, au-delà de l’aspect purement pratique, ce cheminement lui a appris une chose essentielle : l’éthique de travail. Celui dont les aïeux avaient quitté la Yougoslavie pour vivre le rêve américain – il ne se sépare jamais de la croix serbe orthodoxe offerte par sa grand-mère – et ayant récemment été fasciné par la biographie de Steve Jobs est convaincu que tout devient possible dès lors que passion et détermination deviennent des moteurs.
Cette assiduité et ce perfectionnisme se retrouvent inévitablement dans sa façon d’appréhender le sport. Gros travailleur, toujours impliqué à l’entraînement, le double champion du monde s’investit au maximum pour tirer son équipe vers le haut. « Je suis quelqu’un de très compétitif, je veux gagner. Il n’y a rien de tel que remporter une compétition, quel que soit le contexte, déclame-t-il. Le but est d’être meilleur semaine après semaine, de progresser sans oublier le fun, car la performance est aussi générée par le plaisir. » « Lorsqu’on ne joue pas bien, il le fait savoir et en perd quelque peu son français ! » renchérit Florian Barbé. S’il est aujourd’hui ce champion respecté, au palmarès éclatant, cela ne doit rien au hasard.
Partage et transmission
Exceptionnel joueur de hockey, PJ Kavaya est également un personnage qui fait l’unanimité où qu’il passe. Humble, ayant du mal à s’identifier en termes élogieux, le numéro 4 – car il n’arrivera jamais au niveau de l’icône Lidström qui arborait le 5 sur son maillot – délivre l’image d’un homme généreux pour qui le partage, le collectif et l’esprit d’équipe sont des préoccupations quotidiennes. Attentif à l’autre, ces idéaux transpirent dans son discours. « Être bon envers quelqu’un ne demande pas beaucoup d’efforts. C’est gratuit et c’est fortement sous-évalué. Parvenir à décrocher un sourire chez quelqu’un peut faire d’une journée banale une journée réussie, déclare-t-il. Le bonheur est quelque chose de très important dans la vie. Et il faut toujours montrer à vos proches que vous tenez à eux. »
Tyler Walser, avec qui il a partagé de nombreux moments privilégiés, appuie : « C’est un véritable ami, une personne honnête et altruiste, qui vous tire vers le haut. Bien que je sois désormais à Ottawa et lui toujours à Paris, il s’assure que l’on s’appelle une fois par semaine pour prendre des nouvelles et faire perdurer la solide amitié qui nous unis ».
L’explication de son retour dans la Ville lumière à la fin de l’été confirme la sensibilité de l’homme. Ayant connu des soucis personnels saupoudrés d’une sérieuse blessure au pied l’ayant éloigné plusieurs mois des terrains, il a vu dans cette opportunité le moyen de retrouver des repères et une certaine zone de confort. « Cette période a été très difficile. J’ai beaucoup réfléchi, et cela a fait partie d’un apprentissage. J’ai réalisé qu’être à Paris, jouer au hockey et entraîner figuraient en tête de ma liste de priorités pour être heureux, confirme-t-il. Mon cœur est attaché à Paris, là où il y a tant de gens que j’aime. C’est très spécial. » Enthousiasmé, il espère pouvoir un jour conter son expérience et transmettre sa curiosité à ses petits-enfants, leur dire « d’explorer le monde et de se confronter à des cultures différentes tant qu’ils peuvent le faire » car « si l’homme était supposé rester à un seul endroit toute sa vie, il devrait avoir des racines à la place des jambes. »
Impliqué dans la vie du club, ouvert et toujours prêt à délivrer ses conseils, PJ, qui se serait bien vu pompier ou professeur s’il n’avait pas été hockeyeur, s’épanouit également dans l’encadrement des jeunes comme des autres catégories. « Rendre, ne serait-ce qu’un peu, est essentiel, car ce sport m’a tant donné », confesse-t-il. A la question : « A la fin de ta vie, quelle image souhaiterais-tu que l’on garde de toi ? » , la réponse affleure telle une évidence : « Que l’on dise simplement que j’étais une bonne personne ». A la poursuite de cet objectif, un chemin pavé d’or s’ouvre devant lui.
Article publié dans le Slapshotmag n°80.
Crédits photo : Samuel Cramet