Comme les cerisiers au printemps, Michel Bussi nous livre chaque année son nouvel opus. Foisonnement de personnages, époustouflantes descriptions de paysages (ici, la somptueuse région des environs de Calvi), intrigue particulièrement fouillée … L’auteur qui, en quelques années, a atteint les sommets des ventes en France et s’y maintient, utilise une recette particulièrement efficace. Seulement voilà, sa technique narrative apparaît aussi, à la longue, comme une recette !
Beaucoup de dialogues, beaucoup de pages « creuses » … on a souvent l’impression que, pour maintenir le suspens, l’auteur « tire à la ligne ». C’est particulièrement vrai pendant les 200 premières pages. La construction alternant systématiquement entre le journal d’une gamine de quinze ans écrit en 1989 et le retour de cette petite fille vingt-sept années plus tard en famille, devient fastidieuse. Ensuite, la dernière partie du roman accélère le rythme, pour aboutir à une fin haletante.
Tous les poncifs qui ont fait le succès des feuillettonistes du XIXème siècle y sont : les messages de l'au-delà, la substitution de personnages, l’enfant caché, la séquestration, la vengeance, l’appât du gain, le chantage … le tout assaisonné de certaines invraisemblances (on ne cuit pas les lentilles dans l'eau bouillante p. 431 !) et d'une pincée de préoccupations environnementales.
Je n’imagine cependant pas qu’une personne ayant perdu ses parents dans un dramatique accident de la route ne revienne que 27 ans plus tard se recueillir sur leur tombe ni n’ait souhaité pendant toutes ces années revoir ses grands-parents avec lesquels elle n’a pourtant aucun conflit.
C’est un roman qui met en valeur essentiellement les femmes (je suppose que le lectorat de Michel Bussi est principalement féminin), avec leurs forces et leurs faiblesses, leur charme à tous les âges de la vie. Le personnage central de Clotilde, tout d’abord jeune fille opposante, affichant à quinze ans un look gothique, les relations difficiles avec sa mère, son amour pour un pêcheur corse blond qui semble aussi, mais sans doute par intérêt, l’amant de sa mère, sa résolution à retrouver les ressorts de l’accident qui a bouleversé sa vie, est plein de contradictions. Il y a aussi son grand-père, l’inébranlable chef de clan des Idrissi, encore terriblement vigoureux malgré ses 90 ans et qui terrorise tout le monde …
Ce qui sauve Michel Bussi, c’est la qualité de style, la faculté de vous transporter dans une région totalement inconnue en vous transmettant les couleurs, les odeurs, les splendeurs … Mais pour l’intrigue, trop de complexité nuit à la vraisemblance. Ce sera vraisemblablement le roman de l'été, et un excellent cadeau pour la Fête des Mères.
Le temps est assassin, thriller de Michel Bussi, aux Presses de la Cité, 532 p., 21,50€