Dans la primaire de droite, l'Europe semble devenir la tête de turc des candidats. La campagne est ainsi traversée par un courant plus eurocritique qu'à l'accoutumée. Sans tomber dans l'europhobie propre au FN, les principaux candidats semblent surenchérir dans leur volonté de nettoyer les écuries d'Augias, à Bruxelles. Bruno Lemaire de réclamer un référendum sur l'Europe. François Fillon de vouloir un changement institutionnel, stigmatisant la Commission et le Parlement européens, " qui sont les instruments de la construction d'un système fédéral ". Et Nicolas Sarkozy d'appeler à " refonder profondément le projet européen " et de critiquer la campagne " pro-européenne " d'Alain Juppé comme si promouvoir l'UE couvrait d'opprobre son promoteur.
Pourquoi un ton plus critique à l'égard de l'UE au sein d'un parti de gouvernement qui embrasse traditionnellement le projet européen - l'une de ses grandes différences avec le FN ? Force est de constater que, ces dernières années, la dynamique européenne n'a pas été spécialement favorable aux positions françaises, avec une prépondérance d'Angela Merkel irritant l'orgueil national : il s'agit de la première réponse. Mais l'autre réponse est à rechercher dans l'électorat des Républicains qui s'est parallèlement rétracté sur la question européenne. Il demeure certes très favorable à l'euro ( à 87%) et juge plutôt l'appartenance à l'UE comme positive ( à 61%). En revanche, l'idée que l'Etat doit revenir sur le devant, même au détriment de l'UE, monte en force : 75% des sympathisants LR (contre 61% de ceux du PS) souhaitent désormais limiter les pouvoirs de Bruxelles - soit une hausse depuis 18 points depuis 2013.
Ce positionnement critique sur l'UE compte double. Dans un premier temps, il permet de séduire cette frange, en croissance au sein de l'électorat traditionnel LR, qui privilégie l'Etat souverain sur l'Europe. Et, dans un second temps, cela contribuerait à aspirer toute la droite eurosceptique, un axe allant de Nicolas Dupont-Aignan jusqu'à Marine Le Pen qui pèse environ 30 % des intentions de vote selon les sondages. Une réserve de voix indispensable dans l'hypothèse d'un éventuel second tour de Présidentielle.
La principale ligne de fracture semble donc se dessiner pour cette primaire. Face à un Alain Juppé, assis dans son fauteuil de leader incontesté de la primaire et défendant l'ordre européen, ses challengers recherchent une forme de transgression au détriment de l'UE. François Fillon avait déjà tenté d'esquisser une première ligne de fracture en vantant le libéralisme économique, avant d'être rejoint par tous les autres candidats sur sa position.