Larousse nous définit l’humour comme étant une forme d'esprit qui cherche à mettre en valeur avec drôlerie le caractère ridicule ou insolite de certains aspects de la réalité, de l'absurdité du monde. Et l’humoriste est celui qui a de l’humour.
Au Québec, nous sommes loin des années ‘40 à ‘80 ! Loin des humoristes Olivier Guimond, Jacques Normand, Gilles Pellerin, Paul Berval, Clémence Desrochers, Gilles Latulippe. Claude Blanchard, Yvon Deschamps, Jean Lapointe et de tellement d’autres. Avec eux, on riait de bon cœur et avec joie car ils étaient vraiment drôles tout en respectant les autres et ne blessant personne. Mais, comme a dit le PM Justin Trudeau, suite à sa victoire surprenante, nous sommes en 2016. Et quel changement !
Contrairement au passé, plusieurs humoristes québécois de nos jours ont établi le principe que l’humour n’a pas de frontières, pas de limite et que tout est permis, sans regard et sans contrôle. Et ce qui devait arriver, arriva. Une compagnie d’assurance qui protège les diffuseurs de spectacles contre toute action judiciaire, a jugé bon de faire retirer deux numéros du « Gala des Oliviers », dédié à la reconnaissance du travail des meilleurs humoristes québécois de l’année de toutes catégories et télévisé sur tout le territoire canadien. C’est ainsi aujourd’hui que ça se déroule pour éviter des coûts faramineux aux diffuseurs qui peuvent être engendrés par une poursuite suite à un faux pas d’un interprète ou d’un invité. Rien de plus normal. Mais pas pour ces deux humoristes qui ont soulevé leur fratrie et décidé d’utiliser le gala pour marquer sa frustration.
Pourtant, il est clair et net qu’ils vont trop loin. Ils rejettent toute censure prétextant que c’est de l’humour et que tout est permis. Si nous ne comprenons pas, eh bien, nous sommes des minus habenssans sens de la réalité, ni d’ouverture d’esprit. Et, si cela nous blesse, tant pis !Par exemple, comment accepter qu’ils cherchent à nous amuser au détriment d'un handicapé. « Ce n’est pas grave parce que sa mère l’aime » se défendent-ils. Et, ils prétendent que toute la société québécoise en est rendu là et que c’est normal au nom de la liberté d’expression, comme si, ensemble, nous voulons mettre de côté notre compassion pour les plus démunis parmi nous pour avant tout rire. Et, tant qu’à y être, pourquoi pas des allusions antisémites et homophobes. Allons-nous devenir une nation de mécréants juste pour rire ?
Ces dérapages ne sont pas exceptionnels puisqu’on les retrouve de plus en plus dans la bouche de trop d’humoristes. C’est comme si leurs scripteurs manquaient de culture ou d’imagination et cherchaient dans la vie des êtres les fragiles ou différents, des situations pour se moquer d’eux, juste pour faire rire. C’est comme s’ils croyaient que le rire trouve son origine dans la vulgarité, dans la raillerie. C’est comme si les sentiments et le manque de respect des orientations sexuelles ou religieuses étaient drôles. Et encore… Je partage l’indignation d’un grand nombre de Québécois sur l’évolution du rire au Québec. Je me sens humilié par ces individus qui nous rabaissent ainsi. Ce n’est plus drôle ! Ils déshonorent la mémoire de nos humoristes passés qui savaient trouver dans les situations cocasses de la vie de tous les jours, des interprétations pour nous faire rire. C’était simple, vrai, réfléchi et drôle. Très drôle. Charlie Chaplin ne disait pas un mot mais des générations n’ont cessé de rire avec lui.
La génération actuelle s’ennuie-t-elle au point de rire de tout et de rien ? À n’importe quel prix ? Si c’est oui, j’en suis triste. Mais, je ne le crois pas et j’explique cette situation par le fait qu’on ne lui offre rien de mieux ? Sûrement que de plus en plus de spectateurs sont mal-à-l’aise et le mécontentement croît. Sûrement l’heure de vérité doit approcher, celle où les salles seront moins remplies.Les humoristes d’aujourd’hui s’offusquent lorsque la politique analyse parfois leurs prestations et réagit s’ils dépassent le bon sens. Ils s’y opposent au nom de la séparation des pouvoirs et se disent brimés dans leur liberté d’expression. Bel argument ! En somme, ils veulent définir eux-mêmes ce qu’est une incitation à la haine, et être juge et partie.
Trop de ces humoristes sont vulgaires et manquent de classe. On a l’impression qu’ils se présentent à l’état brut pour mieux faire rire leurs spectateurs. Par contre, s’ils sont visés personnellement par une remarque désobligeante et inattendue, il s’offusque. Ainsi, on a vu au gala, un récipiendaire de trophée monter sur scène et dire à celui qui lui remettait le trophée « Comme ça, on a appris que tu es gai ». Devant l’hilarité générale des spectateurs, ce dernier a ri jaune et est devenu crispé et perplexe. Lui qui multiplie, à son émission télé, les allusions à l’orientation sexuelle de ses invités, « le prend mal », dixit La Presse. Il a raison car ce qui est personnel, ultra-personnel, pour un individu, est sa propre orientation sexuelle. Les humoristes non pas de problème avec celle des autres car ça fait rire ! Mais, ils n’acceptent pas que l’on se moque de la leur car cela peut leur faire perdre l’amour du public et, par conséquent, des contrats. Ce n’est pas correct mais c’est comme ça. Le problème de l’homophobie dans notre société existe et il faut aussi s’y attaquer, mais les humoristes ne reconnaissent pas que celui qui est impliqué doit décider s’il veut s’afficher ou attendre, que c’est une décision personnelle très pénible à prendre et qu’ils ne doivent pas en rire.Quand on ne veut pas de censure, qu’on fait mal et qu’on revendique du même souffle le droit de parole ou d’expression, il me semble qu’il manque quelque chose à l’équation. Ce n’est pas ainsi dans notre société, pour personne. Au nom de quoi, ceux qui veulent nous faire rire se croient-ils libres d’agir à leur guise au détriment des autres ?
Je leur suggère de revoir les sketchs du grand humoriste qu’est Yvon Deschamps, dont "Les unions, qu'ossa donne" sur la discrimination et le racisme, pour comprendre la définition et le rôle d’un vrai humoriste qui respecte les membres de sa société.
Claude Dupras