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Soromance fanzine : you go girls

Publié le 17 mai 2016 par Teazine
Soromance fanzine : you go girls couverture de gauche : Marion Costentin couverture de droite : Aliénor Ouvrard
Dans un monde idéal, les filles seraient autant encouragées que les garçons à faire des choses, à créer. Plutôt que de se concentrer sur le rendu final, on admirerait plutôt leurs prises de risques, leurs essais, leur esprit d'initiative. Elles ne ressentiraient pas la pression de faire quelque chose de parfait. Il n'y aurait plus non plus cette épuisante rivalité qu'on observe malheureusement trop souvent entre les femmes. Dans un monde idéal, les filles se soutiendraient et s'entraideraient. Mais on n'en est pas là. Il y a encore plein de meufs (et je m'inclus dedans aussi), qui n'osent pas faire telle ou telle chose, de peur de rater, de peur d'être jugée. Plein de meufs qui s'interdisent des choses avant même d'avoir essayé. Plein de meufs qui perdent beaucoup d'énergie à en détester d'autres plutôt que d'en faire une source d'inspiration. Plein de meufs qui, une fois en couple, appellent moins leurs copines. Plein de meufs qui se tirent des balles dans le pied. Et c'est tellement dommage. Mais ce n'est pas une fatalité, et il y a aussi plein de filles qui font des choses fantastiques, seules ou ensemble. Qui osent, qui créent, qui l'ouvrent, qui se bougent, qui s'assument.
C'est un peu le constat qui a mené à la création du fanzine Soromance, que j'ai (c'est l'antenne franco-belge de TEA qui parle) commencé il y quelques mois avec mon amie Klara, à Bruxelles. Soromance, comme une bromance, mais entre meufs. Pour appeler à la solidarité entre les filles, parce qu'on n'est jamais plus fortes qu'à plusieurs. Avec l'aide de copines et de copains ultra talentueux, on a sorti notre premier numéro début avril et on planche sur le deuxième, prévu pour fin juin. Pour le premier Soromance, on a choisi de parler des groupies. Un thème qui nous parle beaucoup, vu qu'on est toutes les deux branchées musique. Rien qu'avec TEA, j'ai été confrontée pas mal de fois à des situations où la question de la groupie s'est posée. Où on m'a regardée avec des regards qui en disaient longs, alors que j'allais dans les backstages faire une interview. Pour que vous y voyiez un peu plus clair, voilà un extrait de l'édito de Soromance, premier du nom : 
23h, plusieurs bières au compteur, dans l’organisme et aussi un peu sur sa robe. Le concert se termine, et il était vraiment bien. Ça changeait des groupes de garage qu’on voit sans arrêt, on a dansé et reluqué aussi le chanteur, parce que c’est vrai qu’il était agréable à regarder. “Alors, on fait sa groupie ?”, lance un copain, goguenard. Il dit ça pour rire, pour titiller. Mais n’empêche, le mot est sorti. Et on se le prend en pleine figure, directement ou par de simples regards qui en disent longs, souvent, très souvent.
Parce qu’on a beau être au 21ème siècle, en tant que fille qui écume à longueur de soirées les concerts, on aura toujours quelqu’un pour nous balancer ce mot, “groupie”. Comme si c’était inhérent à n’importe quelle meuf dans la musique. Comme si on ne pouvait pas juste, comme nos comparses masculins, dodeliner de la tête devant une scène sans avoir d’arrières pensées. Comme si, forcément, on voulait finir dans le lit du chanteur, du guitariste, ou même du bassiste. Comme si on n’était pas là pour la musique. Comme si, aussi, on avait moins le droit de dire qu’un musicien est canon, alors que les garçons sont les premiers à baver devant une batteuse bien gaulée.
Le rock reste un milieu dominé par les hommes, où les femmes n’ont pas exactement la même place que leurs comparses masculins. Quand une fille est dans les backstages, elle s’expose à des sourires en coin, même si en réalité, elle veut juste aller aux toilettes ou interviewer le groupe et discuter de l’émergence de la scène shoegaze au Japon. Oh, on survit, on continue à dépenser une partie importante de notre salaire pour aller à des concerts et on y prend beaucoup de plaisir. Mais le mot “groupie” reste en tête. On en finirait presque par calculer ses gestes et tout faire pour ne pas se faire affubler de ce sobriquet.
Pourtant, “groupie” veut tout dire, et rien. Utilisé comme synonyme de fan, pour désigner les filles qui aiment courir le musicien ou pour n’importe quel individu de sexe féminin qui met les pieds dans une salle de musique, “groupie” est parfois affectueux ou anodin, d’autres fois franchement péjoratif.
Chez Soromance, on s’en est posé des questions, sur la groupie. Depuis des années, depuis qu’on fréquente les concerts. Tellement qu’on en a fait le sujet de notre tout premier numéro. On a tordu le concept de groupie dans tous les sens, s’est acharnées dessus, pour finalement se dire qu’on l’aimait quand même bien, cette figure de la groupie pourtant si décriée.
De cette exploration sont sorties quarante pages d'articles et d'illustrations. On s'est pas mal pris le chou, le sujet des groupies étant un peu touchy. On avait aussi peur d'oublier tel ou tel aspect de la question. On a lu des bouquins, des interviews, interrogé pas mal de gens autour de nous, fait appel à nos propres souvenirs et ressentis. D'autres gens géniaux se sont portés volontaires pour faire des illustrations ou des textes. C'est hyper beau tout le soutien qu'on a eu autour du premier numéro. Lancer un zine, c'était vraiment un vieux fantasme qu'on avait, et c'est hyper émouvant de voir que d'autres gens nous suivent. On a aussi organisé une soirée de lancement dans un petit troquet, il y avait du monde, la chouette Faustine Hollander a donné un concert, il y avait des ballons en forme de coeur, on a dansé. Trop bien.
On s'est même retrouvées en rupture de stock plus vite que prévu, mais depuis, on a réimprimé des zines. Si vous êtes intéressés, je vous renvoie vers la page Facebook de Soromance, où vous pouvez nous passer commande via message privé, ou alors à l'adresse soromancefanzine (at) gmail (dot) com. Le bébé coûte 4 euros hors frais de port et a été fait avec beaucoup d'amour. On a même colorié et relié à la main, avec du fil d'argent. Je vous avoue que je suis hyper fière d'avoir pu faire ça. Comme TEA est une énorme satisfaction (cela fait maintenant plus de sept ans qu'on existe, jésus). J'espère que ça va continuer dans ce sens, mais il n'y a pas de raison pour que ce ne soit pas le cas. Plus ça va, plus on a d'idées et de l'énergie à revendre. Si nous sommes deux derrière Soromance, l'idée est vraiment que chacun(e) puisse y trouver sa place parce que, et on ne le martèlera jamais assez, il s'agit d'appeler à la solidarité et à la création, ensemble. Parce que c'est vrai qu'il n'y a rien de plus stimulant de discuter avec tes potes, avoir des projets, et les mener à terme. Arrivent alors en tête d'autres idées, pour une suite, pour autre chose, mais le processus créatif est enclenché. Finir quelque chose, c'est aussi se prouver qu'on peut le faire, qu'on peut tout faire en fait. Surtout quand on est plusieurs et qu'il y a de la bienveillance. Alors, toi aussi, rejoins la soromance.
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