Ah, vraiment, la conjoncture économique actuelle ne fait rien qu’à embêter nos dirigeants et leurs économistes ! C’est vraiment rageant ! Pourtant, tous leurs petits modèles mathématiques précis et efficaces sont formels : épargner, c’est néfaste, et c’est pour ça que l’économie mondiale ne veut pas redémarrer. C’est même Mario, le petit plombier de la Banque Centrale Européenne, qui le dit.
Et avec Mario, la presse reprend en cœur le cantique keynésien : « l’excès d’épargne : l’un des grands problèmes de l’économie mondiale » titre Le Monde sans hésiter, pendant que La Tribune estime directement que c’est cet excès d’épargne qui est la cause de la crise financière actuelle.
Pour les uns et les autres, c’est évident : de nombreux spécialistes constatent que les taux d’intérêts (de court et de long termes) baissent ; c’est donc que les investissements ne sont pas assez conséquents face à l’offre de crédit. Pour Mario, c’est limpide, ces taux bas « sont le symptôme d’une demande d’investissement insuffisante à travers le monde pour absorber toute l’épargne disponible », et puis c’est tout. Conclusion : les (méchants) investisseurs capitalistes ne font pas leur travail et n’investissent pas assez.
Étonnamment, le raisonnement contraposé, celui qui voudrait que l’investissement est en ligne avec ce que l’économie promet effectivement, mais que l’offre de crédit, en face, est bien trop abondante, n’est pas du tout envisagé par les mêmes élites. Il faut dire que ce dernier raisonnement pose un problème majeur, puisqu’il comporte en lui-même l’indication de la source du problème : du crédit facile et en abondance, du cash en veux-tu, en voilà, ça ne se dégotte pas sous le sabot d’un cheval… Mais plutôt en sortie d’imprimerie de Banque centrale, en conséquence de politiques trop accommodantes et d’une psychologique anti-épargne, typiquement.
Et là, les choses deviennent un tantinet plus complexes : à la proposition que les Banques centrales auraient baissé leurs taux directeurs en réaction à des tensions sur le marché, on peut contre-proposer qu’elles n’ont fait que favoriser une situation déjà perverse, en l’aggravant. En multipliant les mesures destinées à faciliter le crédit, depuis les LTRO et autres QE divers et variés, elles sont directement responsables de cette abondance du crédit, qui ne rassure personne.
En baissant leurs taux, en injectant de la monnaie comme jamais dans les systèmes financiers, en envoyant régulièrement des signaux confus sur les marchés, les Banques centrales sont massivement intervenues au point de rendre illisible le seul signal indispensable à la formation de tous les marchés, celui du prix. Ce message est maintenant complètement perdu, distordu à tel point que les comportements observés de ces marchés paraissent bien souvent complètement déconnectés des réalités économiques sous-jacentes : avec des taux effectivement négatifs, on s’ébat joyeusement dans une réalité parallèle grotesque où l’avenir devient plus certain que le présent, où il faut payer les clients pour qu’ils empruntent !
Bref, on est, de façon objective, rentré dans un grand n’importe quoi qui mériterait amplement de se poser quelques questions sur la pertinence des actions des Banques centrales, des gouvernements et des politiques keynésiennes employées jusque là. Malheureusement, nos vaillants journalistes, économistes et politiciens ne semblent pas d’accord. Pour Le Monde, « il conviendrait de s’attaquer, dans le désordre, au déclin démographique, au fonctionnement du système financier, à la répartition de la valeur ajoutée entre profits et salaires ou aux inégalités. » Autrement dit, si le keynésianisme, qui n’a jamais donné de résultats probants dans l’Histoire, ne fonctionne toujours pas actuellement, c’est parce qu’on n’en a pas fait assez.
Et pendant que nos belles élites auto-proclamées se préparent psychologiquement à en remettre une sacrée couche, le monde réel, confronté à la réalité palpable, fait ce qu’il peut pour limiter les dégâts de ces politiques irresponsables et destructrices.
Puisqu’objectivement, tout démontre qu’on est en période de déflation, tous ceux qui ont deux sous de bon sens comprennent qu’il vaut mieux les mettre de côté plutôt que les remettre dans le bastringue qui menace visiblement d’exploser un jour ou l’autre. Si l’épargne grossit, si l’investissement est à la traîne, c’est parce qu’au contraire flagrant de ce qu’indiquent les taux, le futur est complètement incertain, et envisagé plus sombre que le présent. La montée du cours de l’or n’indique rien d’autre qu’une envie massive des acheteurs du métal précieux de sortir autant que possible d’un système financier qu’ils estiment instable.
Pendant ce temps, il apparaît donc parfaitement stupide de continuer à injecter de la monnaie dans un système financier et bancaire qui démontre sa fébrilité quant au futur, notamment parce qu’il sait qu’il est vérolé. De surcroît, toutes les manœuvres plus ou moins fines des Banques centrales pour créer un semblant d’inflation se sont avérées nulles et non avenues. Ni le Japon, ni l’Angleterre, ni l’Union Européenne, ni la Fed américaine ne sont parvenus à créer une inflation au niveau de ce qu’ils estiment, depuis leur boule de cristal, devoir atteindre, ce qui démontre amplement leur absence réelle de pouvoir sur les marchés : l’action collective des centaines de millions d’épargnants écrase de façon magistrale les petits moulinets fébriles de nos dirigeants sans pouvoir réel. Les mantras keynésiens et la propagande consumériste idiote s’amplifient, la guerre contre le cash s’amorce très visiblement en prétendant lutter contre les trafiquants mais en bataillant contre les individus et l’allocation intuitive de leurs capitaux, on en vient à songer distribuer de l’argent aux ménages par hélicoptère ou par un revenu universel insidieusement aliénant, mais rien n’y fait : l’investissement ne décolle pas.
Pourtant, l’évidence crève les yeux. On la voit à l’œuvre, actuellement, au Venezuela, sans comprendre que les mêmes causes provoquent les mêmes effets : on a tout fait, là-bas, pour y contrôler le prix du papier hygiénique, et le papier hygiénique est venu à manquer. Là-bas encore, on fait tout, actuellement, pour y contrôler les prix de la nourriture, et la nourriture vient à manquer, cruellement.
Au niveau mondial, les Banques centrales et les gouvernements keynésiens proposent tous les mêmes politiques qui reviennent, in fine, à vouloir contrôler le prix de l’argent. Quel résultat croient-ils obtenir, à part une disparition de celui-ci et de sa raison d’être, l’échange ? Qu’espèrent-ils donc comme effet magique et miraculeux pour qu’au contraire de toutes les expériences passées, cette fois-ci, ce contrôle imbécile aboutisse à un résultat différent ?
Comme je le disais en introduction, vraiment, la conjoncture économique actuelle ne fait rien qu’à embêter nos dirigeants et leurs économistes. Mais avec ce qu’on vient de voir, on ne peut plus guère douter que ces dirigeants et leurs économistes font absolument tout pour l’embêter, et c’est même eux qui ont commencé.
Comment s’étonner du résultat ?