La finale de l' Eurovision 2016 a rendu son verdict. C'est l'ukrainienne Jamala qui remporte cette édition avec sa chanson " 1944 " qui totalise 534 points. Pour la deuxième fois, le concours se déroulera dans cette ancienne république soviétique, en 2017. La première fois, c'était en 2005 suite à la victoire de Ruslana et " Wild dances ". Voici mon débriefing du vainqueur 2016. Retour sur cette victoire en compagnie de notre correspondant Didier Mathieu-Dabois.
Minuit et 40 minutes, sous une pluie de paillettes dorées, Jamala, la chanteuse ukrainienne, réinterprète sa chanson désormais victorieuse du 61e Eurovision. Submergée par l'émotion, elle délivre un message de paix et d'amour, trophée dans une main, drapeau ukrainien dans l'autre. Elle vient d'offrir une deuxième victoire à son pays avec sa ballade envoutante qui mélange les influences ethniques et electro. Jamala est l'auteure des paroles qui traitent de la déportation des populations tatares de Crimée par les troupes soviétiques en 1944, région également annexée il y a deux ans par la Russie. Elle est elle-même originaire de cette minorité et sa chanson est interprétée en anglais et tatare. Sa sélection avait d'ailleurs fait couler beaucoup d'encre. L'UER avait dû valider sa participation sur demande de la Russie. Le règlement interdit en effet les messages politiques au concours mais l'UER avait estimé que le sujet était d'ordre historique et ne posait donc aucun problème. La victoire de l'Ukraine, qui plus est au nez et à la barbe de l'ultra favori, Serguey Lazarev, le candidat russe, revêt quand même une certaine symbolique.
Jamala tire son épingle du jeuLa victoire de Jamala, c'est aussi celle d'un style différent, loin des standards du concours. La preuve qu'un sujet plus grave et moins léger peut aussi l'emporter. Le signe aussi que l'omniprésence de l'anglais n'est pas une fin en soi et qu'importe la langue utilisée dans le refrain, la juste interprétation permettra de toucher le coeur des européens. Enfin, la victoire d'une certaine sobriété. Dans une robe bleu nuit aux lignes épurées, sans artifice visuel, Jamala prouve que l'originalité prime sur l'excès. Alors que le russe se déplaçait sur un mur-écran ou que l'australienne utilisait des hologrammes pour représenter le monde virtuel, Jamala apparaît seule sur scène, utilisant uniquement les écrans de fond à bon escient. Je gardera notamment l'image de la dernière reprise de son refrain, dans une envolée vocale incroyable, un arbre de vie or et bleu semble sortir de son corps. J'en ai personnellement eu la chair de poule.
Une victoire politique?Alors que le pays est toujours déchiré par l'instabilité liée aux volontés séparatistes de régions dominées par la communauté russophone, on peut se poser la question de l'influence que cela aura eu sur les votes des jurys et du public. Je reste personnellement persuadé que la prestation incroyable de Jamala suffisait à l'emporter. Reste maintenant à savoir si l'Ukraine, au bord de la faillite après des années de crise politique et économique, sera en mesure d'assumer le coût de l'organisation du concours l'année prochaine. L'autre petite ombre au triomphe ukrainien: elle n'aura finalement remporté ni le vote du public, ni celui du jury, remportés respectivement par ses concurrents directs, la Russie et l'Australie. Elle l'emporte finalement avec seulement une vingtaine de points d'avance. J'aurais l'occasion de revenir dans ma prochaine chronique sur ce nouveau système d'annonce des points qui a pas mal divisé les observateurs.
Vous l'aurez compris, j'ai été séduit par la proposition ukrainienne. Je vous mentirais en vous disant que je l'imaginais gagner le concours. Je vous mentirais également si je vous disais qu'elle était dans mon top 10 avant le concours. Mais samedi soir, lors de son passage, il s'est passé quelque chose dans la salle, un petit rien en plus, une magie, celle de la chanson gagnante...