Magazine Juridique
Tout comme la promesse unilatérale, autre contrat préparatoire, le pacte de préférence ne faisait pas l'objet de dispositions particulières dans le Code civil.
La réforme du droit des obligations comporte précisément une sous-section qui est consacrée au pacte de préférence et à la promesse unilatérale.
L'article 1123 du Code civil dispose désormais :
Le pacte de préférence est le contrat par lequel une partie s'engage à proposer prioritairement à son bénéficiaire de traiter avec lui pour le cas où elle déciderait de contracter.
Lorsqu'un contrat est conclu avec un tiers en violation d'un pacte de préférence, le bénéficiaire peut obtenir la réparation du préjudice subi. Lorsque le tiers connaissait l'existence du pacte et l'intention du bénéficiaire de s'en prévaloir, ce dernier peut également agir en nullité ou demander au juge de le substituer au tiers dans le contrat conclu.
Le tiers peut demander par écrit au bénéficiaire de confirmer dans un délai qu'il fixe et qui doit être raisonnable, l'existence d'un pacte de préférence et s'il entend s'en prévaloir.
L'écrit mentionne qu'à défaut de réponse dans ce délai, le bénéficiaire du pacte ne pourra plus solliciter sa substitution au contrat conclu avec le tiers ou la nullité du contrat.
Ainsi, le pacte de préférence est défini comme un contrat par lequel une partie s'engage à proposer prioritairement à son bénéficiaire de traiter avec lui pour le cas où il déciderait de contracter.
C'est la la définition classique du pacte de préférence.
La question cruciale est celle de la violation de ce pacte de préférence, c'est-à-dire du fait que le contrat puisse être conclu en vérité avec un tiers, sans respect de cet engagement avec le bénéficiaire.
Le principe posé par l'alinéa deux de cet article est la réparation du préjudice subi, c'est-à-dire l'allocation de dommages et intérêts.
Cependant lorsque le tiers en question connaissait l'existence du pacte et l'intention du bénéficiaire de s'en prévaloir, il est alors possible pour le bénéficiaire d'agir en nullité ou de demander au juge de le substituer au tiers dans le contrat conclu.
On notera la nécessité de prouver à la fois la connaissance par le tiers de l'existence du pacte de préférence et de l'intention du bénéficiaire de s'en prévaloir. La preuve de la connaissance de cette intention pourra être délicate.
Ces principes étaient déjà posés par la Cour de cassation par un arrêt du 26 mai 2006 :
"Attendu, selon l'arrêt attaqué (Papeete, 13 février 2003), qu'un acte de donation-partage dressé le 18 décembre 1957 et contenant un pacte de préférence a attribué à Mme Adèle A... un bien immobilier situé à Haapiti ; qu'une parcelle dépendant de ce bien a été transmise, par donation-partage du 7 août 1985, rappelant le pacte de préférence, à M. Ruini A..., qui l'a ensuite vendue le 3 décembre 1985 à la SCI Emeraude, par acte de M. B..., notaire ; qu'invoquant une violation du pacte de préférence stipulé dans l'acte du 18 décembre 1957, dont elle tenait ses droits en tant qu'attributaire, Mme X... a demandé, en 1992, sa substitution dans les droits de l'acquéreur et, subsidiairement, le paiement de dommages-intérêts ;
Attendu que les consorts X... font grief à l'arrêt d'avoir rejeté la demande tendant à obtenir une substitution dans les droits de la société Emeraude alors, selon le moyen :
1 / que l'obligation de faire ne se résout en dommages-intérêts que lorsque l'exécution en nature est impossible, pour des raisons tenant à l'impossibilité de contraindre le débiteur de l'obligation à l'exécuter matériellement ; qu'en dehors d'une telle impossibilité, la réparation doit s'entendre au premier chef comme une réparation en nature et que, le juge ayant le pouvoir de prendre une décision valant vente entre les parties au litige, la cour d'appel a fait de l'article 1142 du code civil, qu'elle a ainsi violé, une fausse application ;
2 / qu'un pacte de préférence, dont les termes obligent le vendeur d'un immeuble à en proposer d'abord la vente au bénéficiaire du pacte, s'analyse en l'octroi d'un droit de préemption, et donc en obligation de donner, dont la violation doit entraîner l'inefficacité de la vente conclue malgré ces termes avec le tiers, et en la substitution du bénéficiaire du pacte à l'acquéreur, dans les termes de la vente ; que cette substitution constitue la seule exécution entière et adéquate du contrat, laquelle ne se heurte à aucune impossibilité ; qu'en la refusant, la cour d'appel a violé les articles 1134, 1138 et 1147 du code civil ;
3 / qu'en matière immobilière, les droits accordés sur un immeuble sont applicables aux tiers dès leur publication à la conservation des hypothèques ; qu'en subordonnant le prononcé de la vente à l'existence d'une faute commise par l'acquéreur, condition inutile dès lors que la cour d'appel a constaté que le pacte de préférence avait fait l'objet d'une publication régulière avant la vente contestée, la cour d'appel a violé les articles 28, 30 et 37 du décret du 4 janvier 1955 ;
Mais attendu que, si le bénéficiaire d'un pacte de préférence est en droit d'exiger l'annulation du contrat passé avec un tiers en méconnaissance de ses droits et d'obtenir sa substitution à l'acquéreur, c'est à la condition que ce tiers ait eu connaissance, lorsqu'il a contracté, de l'existence du pacte de préférence et de l'intention du bénéficiaire de s'en prévaloir ; qu'ayant retenu qu'il n'était pas démontré que la société Emeraude savait que Mme X... avait l'intention de se prévaloir de son droit de préférence, la cour d'appel a exactement déduit de ce seul motif, que la réalisation de la vente ne pouvait être ordonnée au profit de la bénéficiaire du pacte."
Les deux derniers alinéas de l'article sont relatifs à un type particulier d'action interrogatoire concernant le pacte de préférence et à la possibilité pour le tiers d'interroger le bénéficiaire sur l'existence d'un pacte de préférence et l'intention du bénéficiaire de s'en prévaloir.
Il est rappelé que les dispositions relatives à l'action interrogatoire sont applicables dès l'entrée en vigueur de la loi.