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Alexandre Delamadeleine : entre rémanence et transcendance

Publié le 15 mai 2016 par Pantalaskas @chapeau_noir

« Si la photographie doit encore figurer quelque chose d’essentiel, alors il devrait aussi exister, par analogie avec la peinture abstraite et (…) par analogie avec une peinture transcendantale, une ‹ photographie transcendantale ›

« Fréquence 3 » Alexandre Delamadeleine

Cette proposition formulée lors de l’exposition d’Anna et Bernhard Blume au Centre Pompidou à Paris en 2015 nous offre une piste pour aborder le travail du jeune photographe Alexandre Delamadeleine que présente la galerie Fatiha Selam à Paris.
Il ne s’agit certes pas d’associer le travail de ces photographes dans un même mouvement cohérent mais de saisir la posture adoptée par Alexandre Delamadeleine dans sa quête personnelle, dans cette interrogation fondamentale sur sa présence au monde avec notamment pour moyen d’approche la photographie.

« Tathagatagarbha »

Car si l’exposition se cache derrière le mot énigmatique de « Tathagatagarbha », il nous appartient de saisir le cheminement de l’artiste au travers des éléments visuels et sonores qu’il met à notre disposition puisque photographie et vidéo s’associent dans cette recherche d’un absolu. Encore faut-il ajouter que les images et le sons renvoient à une trame littéraire décisive. Dans l’exposition est présentée une série de travaux photographiques sur papier transparent contre collé sur les pages du livre « Nature » du poète et philosophe américain Ralph Waldo Emerson ( 1803-1882).
Cette trame révèle l’intérêt que le photographe porte à celui qui, faisant table rase de l’héritage culturel et historique européen, trouve en 1836 dans l’Amérique, une nature vierge, sauvage, sans « Histoire » qui le mènera à développer l’idée que cette nature est une entité divine qui englobe tout. Le salut des hommes tient à la fusion du Soi et de la Nature, un éveil bouddhique auquel se réfère explicitement Alexandre Delamadeleine. Le titre mystérieux de l’exposition commence alors à se dévoiler: Tathagatagarbha désignerait le germe renfermant la nature essentielle, universelle et immortelle présente en tout être sensible. Dans une culture européenne, c’est le « point omega » de Theilard de Chardin que l’on pourrait être tenté d ‘évoquer pour se rapprocher de cette recherche d’un absolu en devenir.
Comment traduire en images ce qui relève d’une pensée abstraite enfouie au plus profond de l’individu ? C’est tout le challenge auquel s’attaque le photographe. Pour lui : «  Les tirages photographiques sur papier transparent sont comme le fantôme d’ un instant passé qui cohabitent maintenant avec les mots, le passé, l’histoire, l’ univers.  »
Alexandre Delamadeleine s’est employé à combiner photographie, textes écrits et lus, vidéo, musique pour rendre sensible ce qui naît d’une pensée insaisissable. Si bien que l’exposition ne se présente pas comme une suite d’oeuvre autonomes mais plutôt comme un ensemble solidaire, cohérent, destiné à nous permettre d’appréhender cette quête personnelle.
Et si la nature est, comme le revendique Ralph Waldo Emerson, une entité divine qui englobe tout, le cosmos intègre ce tout.

Nature, langage, cosmos

Alexandre Delamadeleine

Alexandre Delamadeleine

C’est la vidéo qui, dans l’exposition, introduit de façon vivante ce cosmos : soleil, lune mis en images animées, participent à cette représentation globale d’une entité où nature, humanité et espace cosmique se fondent dans cette élévation tendant vers un absolu. Nous ne sommes pas si loin de la « planétisation  » prophétisée par Theilard de Chardin évoquant cette « pellicule de pensée enveloppant la Terre, formée des communications humaines ».
Et c’est l’homme qui revient au centre du propos. L’outil vidéo, là encore, apporte sa contribution : l’acteur Mehdi Nebbou introduit la parole dans cette scénographie en lisant un chapitre sur le langage extrait du « Nature » de Ralph Waldo Emerson : «  Les mots sont les signes de faits naturels, les faits naturels particuliers sont les symboles de faits spirituels particuliers. La nature est le symbole de l’ esprit  ». Entre documentaire et fiction, rêve et réalité, jour et nuit, l’ensemble enrichi par une création musicale originale de Pascal Sangla, Alexandre Delamadeleine cherche à nous rendre accessible une forme de rémanence, ce phénomène volatil si particulier qui appartient à la fois à l’œil et au cerveau. Fantomatique comme l’image rémanente qui ajoute le temps à l’espace photographié, cette fusion entre nature et esprit serait-elle alors tangible ?
L’artiste tente ainsi, avec les outils du créateur d’images, d’appréhender cette notion fugitive de transcendance que les hommes avec tous les moyens possibles de la communication (langage, musique, image), s’efforcent d’atteindre, toujours à la recherche de l’inaccessible étoile.

Photos: Alexandre Delamadeleine

TATHÄGATAGARBHA Alexandre Delamadeleine
Vernissage le Jeudi 12 mai de 18h à 21h
Exposition du 12 mai au 18 juin 2016

Galerie Fatiha Selam

58, rue Chapon, 75003 Paris

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