La batrachomyomachie est un mot constitué de:
- batracho du grec ancien βάτραχος (batrakhos) "grenouille"
- myo, du grec ancien μῦς (mus) "rat"
- machie, du grec ancien μαχια (makhia), de μάχη (makhê) "combat"
Le livre, édité dans une traduction nouvelle de Bertrand Schmid, porte un sous-titre qui en exprime le propos: L'Ilion des grenouilles et des rats, c'est-à-dire La Troie (Ilion est l'autre nom de Troie) des grenouilles et des rats. Le lecteur est ainsi implicitement prévenu: il s'agit d'une parodie animalière de l'Iliade d'Homère.
Dans sa préface Sophie Bocksberger, de l'Université d'Oxford, rappelle que ce poème, une pure merveille littéraire, aujourd'hui réédité dans une traduction moderne, est attribué à Homère, mais que rien n'est moins sûr, puisque le texte qui nous est parvenu comporte des références au poète Callimaque... Il commence comme la fable d'Esope, Le Rat et la Grenouille, puis bascule dans l'épopée.
Cette traduction nouvelle est bien une traduction moderne. Bertrand Schmid s'en explique dans sa post-face. Il s'agit pour lui de transférer les références, recomposer les jeux de mots, ôter prudemment leurs racines du terreau originel pour les transplanter. Le texte grec se réfère à Esope, à Callimaque, le texte français s'inspire de Diderot, de Voltaire, de Cyrano de Bergerac... et convoque La Fontaine, bien sûr:
Un barboteur cyclopéen le vit et lui tint à peu près ce langage...
Dans le texte originel des expressions homériques voisinent avec des tournures triviales, Bertrand Schmid plus fidèle à l'esprit qu'à la lettre fait de même. Ainsi Athéna s'adresse-t-elle à Zeus son père: Papa, jamais plus je ne donnerai un coup de pouce aux rongeurs quand ils sont opprimés, puisqu'ils m'ont fait de nombreux torts, en bousillant mes gurlandes et mes lampes pour leur huile. Ce qu'ils ont fait a fini par me gonfler...
Même s'il résulte d'un pari entre érudits, cette traduction d'un texte qui, à l'époque byzantine, servait aux écoliers d'introduction à l'Iliade, n'est donc pas réservée aux seuls érudits (qui trouveront de quoi nourrir leur science en lisant les nombreuses notes situées à la fin). Elle met à la portée de tous un poème divertissant qui n'est pas si connu et qui se prête à l'exercice de la modernité.
Francis Richard
La Batrachomyomachie, traduction nouvelle de Bertrand Schmid, 56 pages, Hélice Hélas