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Diversion cousue de fil blanc [Actu]

Publié le 14 mai 2016 par Jyj9icx6

Diversion cousue de fil blanc [Actu]

Une reprise de l'écran de télé au moment où Margarita Barrientos,
à gauche, raconte son abracadabrante histoire


Il y a environ une semaine, on a appris que Hebe de Bonafini, la très kirchneriste et très sectaire présidente de Madres de Plaza de Mayo, allait être reçue au Vatican en audience privée par le Pape. Ce qui n'a pas manqué de surprendre le grand public (non catholique pratiquant) parce que la dame en question l'a pendant des années abondamment insulté, y compris après son élection, avant de retourner récemment sa veste et d'entamer avec lui une correspondance raisonnable. Toutefois sur son hostilité à Mauricio Macri, la très turbulente militante n'a jamais rien lâché : elle considère toujours le président argentin, pourtant démocratiquement élu, comme son ennemi et l'ennemi de la cause qu'elle entend servir, et ne veut pas même le croiser ni échanger la moindre parole avec lui.
Dans le Pro, le parti de Macri, les hommes politiques réagissent donc très mal à ce qu'ils interprètent comme un honneur fait par le Pape à une harpie alors qu'en mars dernier, ce même Souverain Pontife avait accueilli le couple présidentiel argentin avec sa tête des mauvais jours. C'est oublier bien vite deux éléments spirituels qui comptent plus pour François que les petits calculs politiciens argentino-argentins : tout d'abord nous sommes dans une année jubilaire consacrée à la Miséricorde et le Saint Père ne manque jamais une occasion de faire œuvre de miséricorde (ce qui en langage catholique veut dire se glisser dans l'amour de Dieu pour les hommes et agir dans ce sens sous l'inspiration du Saint Esprit) (1), et en second lieu que Jorge Bergoglio a toujours refusé de juger les mères qui avaient perdu un fils assassiné, dont font partie toutes les militantes des deux associations de Madres de Plaza de Mayo ainsi que la plupart des Abuelas de Plaza de Mayo. "Devant une mère à qui on a tué un enfant, avait-il coutume de dire lorsqu'il exerçait son ministère à Buenos Aires, je m'agenouille et je ne pose aucune question".
Or il y a deux jours, une militante sociale, qui anime un réfectoire caritatif à Buenos Aires et qu'on dit très proche de Mauricio Macri, Margarita Barrientos, sans doute une femme dévouée, avec un cœur gros comme ça, mais peut-être légèrement simplette, voire très naïve, est venue à la télévision révéler en direct une vieille affaire qui datait du 24 avril 2013 : selon elle, le Pape François lui aurait alors fait savoir qu'il acceptait de la recevoir. Elle aurait donc fait le long voyage jusqu'à Rome, où elle aurait été introduite dans une antichambre dans l'attente de l'audience tant espérée, par une fidèle du diocèse de Buenos Aires, après quoi un garde suisse serait venu l'expulser d'une manière plutôt cavalière, le jour même où Estela de Carlotto avait l'honneur, elle, d'être reçue (2). Telle quelle, cette histoire est tout à fait invraisemblable, rien ne colle, tout est poussé dans le cliché, notamment ces détails de l'antichambre et du garde suisse (comme si au Vatican les gardes suisses étaient comme les couteaux du même pays, faisant tout en même temps office d'huissiers, de secrétaires, de valets de pied et tutti quanti...). La pseudo-révélation n'en a pas moins hélas causé un grand émoi dans le petit monde médiatico-politique argentin, tous les journaux rivalisant de commentaires, tous plus absurdes les uns que les autres (3). Et Elisa Carrió, qui rivalise avec Hebe de Bonafini pour ce les déclarations fracassantes et sectaires, en a profité pour lancer un nouveau coup de griffe contre le Pape, que cette soi-disante pratiquante catholique, a dans le nez depuis son élection : elle a exprimé "la honte" que lui inspirait le supposé comportement papal.
Aujourd'hui, certaines sources ont fait savoir qu'en avril 2013, le Pape n'avait pas même été informé de la présence de Margarita Barrientos à Rome (elle n'a donc certainement pas été introduite dans une antichambre pontificale) et que jamais, au grand jamais, il n'avait refusé de la recevoir. Ce démenti est arrivé par un prêtre de Villa Urquiza, qui a conservé un lien fort avec son ancien archevêque, et par le canal duquel François a tenu à clarifier la situation sans impliquer pour autant les services de presse de la Cité-Etat. Les médias s'emballent sur cette nouvelle interprétation comme ils l'avaient fait sur la précédente et on raconte même maintenant, jusque dans les dépêches de Télam, que Margarita Barrientos s'était rendu à Rome en profitant du voyage qu'un orfèvre, brouillé avec le cardinal Bergoglio, faisait de son côté, sans doute pour tenter de réparer les dégâts de sa brouille avec l'ancien archevêque de Buenos Aires devenu pape (4). Elle aura sans doute été victime de la manipulation du bonhomme qui lui aura fait prendre des vessies pour des lanternes et l'aura emmenée avec lui pour pouvoir arriver jusqu'au successeur de Pierre. Et c'est un peu ce qu'elle vient de reconnaître en avouant, avec une franchise confondante, que jusqu'à présent, elle avait conservé ce douloureux souvenir dans son cœur de catholique blessée mais qu'il y a quelques jours, des militants du Pro lui avaient suggéré de faire un peu de bruit médiatique autour de cette mésaventure vaticane. Elle reconnaît maintenant qu'elle est sûre que le Pape ne savait pas qu'elle était dans la Ville Eternelle.
Tout cela donc dans le seul but d'aller déconsidérer l'audience accordée à Hebe de Bonafini, qui suit actuellement un protocole médical pour savoir si elle peut entreprendre le déplacement à 87 ans, et surtout, bien au-delà de la vieille dame acariâtre, s'en prendre au Souverain Pontife lui-même dont le discours social n'a pas les faveurs des néo-libéraux, que ce soit en Argentine ou ailleurs dans le monde. Et dans un moment riche en événements : Página/12 venait de soulever un lièvre, l'audience accordée par le ministre de la Justice argentin à une militante d'extrême-droite fort déplaisante, qui défend les criminels de la dictature en les considérant comme des prisonniers politiques qui devaient tous être libérés, et par ailleurs, la Conférence épiscopale argentine, reçue par Mauricio Macri, plaidait pour une politique qui lutte vraiment pour la pauvreté alors que les écarts entre plus riches et plus pauvres creusent sous l'effet conjoint de la vague de licenciements dans le public et le privé et de la reprise phénoménale de l'inflation après la dévaluation du début du mandat présidentiel.
Une petite diversion bien utile !
Pour en savoir plus : lire l'article de Clarín du 12 mai (sur les propos de Margarita Barrientos) lire l'article de La Nación du même jour lire la dépêche de Télam du 10 mai sur la perspective d'audience pour Hebe de Bonafini lire l'article de Página/12 le 11 sur le même thème lire l'article de ce matin dans La Prensa sur le démenti du Vatican lire l'article de ce matin de La Prensa sur le démenti de Margarita Barrientos lire la dépêche de Télam sur le démenti de Estela de Carlotto sur son implication dans cette affaire lire l'article de La Prensa sur les intentions de Hebe de Bonfini lire l'article d'hier sur Infobae (un journal de l'opposition) sur les démentis du Vatican lire la dépêche de Télam sur les raisons cachées du refus supposé du Pape de recevoir Margarita Barrientos (l'affaire mélodramatique du garçon repoussé par son père et adopté par l'archevêque, il s'agit aujourd'hui d'un artisan d'art qui travaille pas mal pour les besoins de la liturgie catholique et pour les cadeaux que le Pape offre aux diocèses qu'il visite au cours de ses tournées pastorales)
(1) C'est d'ailleurs ainsi que le cardinal Mario Poli interprète l'audience accordée à Hebe de Bonafini. Lire à ce propos l'article de Clarín du 12 mai 2016. Et il ne faut pas non plus oublier que les audiences papales peuvent être un lieu de médiation et de conciliation. Il se peut que le Saint Père ait été sollicité par le gouvernement argentin ou se soit entremis entre lui et Madres de Plaza de Mayo pour arrondir les angles entre les dirigeants et cette personnalité difficile et incontrôlable et permettre à celle-ci de sortir la tête haute du piège dans lequel elle s'est elle-même empêtrée par ses déclarations furibondes de la mi-décembre. (2) N'oublions pas que ce jour-là, Estela de Carlotto n'a pas été à proprement parler reçue par le Souverain Pontife. Il s'est simplement arrêté pour échanger quelques mots avec elle et la délégation qui l'accompagnait, au cours de la virée qu'il effectue, sur la place Saint-Pierre, parmi les fidèles venus à l'audience générale du mercredi, à l'issue de celle-ci. Lire à ce propos mon article du 25 avril 2013. (3) Le plus dingue a été de rendre Estela de Carlotto responsable de l'humiliation de Margarita Barrientos. Ce serait elle qui aurait demandé au Pape de ne pas recevoir la militante-cuisinière. Une absurdité totale ! D'où Estela de Carlotto aurait-elle reçu la capacité d'influencer sur l'agenda des audiences pontificales, plus encore en avril 2013 que maintenant, où une telle emprise sur l'Evêque de Rome est de toute évidence une aberration ! (4) Il semblerait que l'artisan d'art ait plus ou moins abandonné l'éducation de l'un de ses fils que Jorge Bergoglio aurait dès lors pris sous son aile et que le père, qui n'a jamais tâché de se réconcilier avec son fils, aurait dès lors été persona non grata pour le prélat. Il n'est cependant nullement avéré que c'est la présence de cet accompagnateur indélicat qui expliquerait la déception énorme de Margarita Barrientos, qui se dit très croyante et dont on peut imaginer la déconvenue au retour d'un tel voyage à Rome, dans le climat d'exaltation autour de l'élection d'un pape argentin qui régnait dans tout le pays mais encore plus dans la capitale fédérale.

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