En photo principale, le juge Claudio Bonadio
avec un jeu de mot en gros-titre (le juge du PRO-cès)
et en manchette, le président intérimaire brésilien "pro-rigueur"
Un mois après avoir entendu Cristina de Kirchner en audition dans son cabinet, le juge Bonadio a décidé de l'inculper dans l'affaire de la vente des dollars à terme. Une inculpation étendue à son ministre des Finances, Axel Kiciloff, au gouverneur de la Banque Centrale de la République argentine et à douze autres hauts commis de l'Etat nommés par elle. Le juge a fait mettre sous séquestre leurs biens à hauteur de 15 millions de pesos chacun.
L'inculpation est des plus étranges et c'est assez préoccupant quant à l'impartialité de ce magistrat dont il n'est un secret pour personne qu'il y en entre lui et Cristina une haine qui a pris une tournure personnelle des plus déplaisantes. En effet, Bonadio accuse Cristina d'avoir vendu cette réserve en dollars US à un prix inférieur à celui du marché dans le seul but de porter préjudice au gouvernement de Maurico Macri qui venait d'arriver second au premier tour de l'élection présidentielle. Le juge n'avance cependant aucune preuve que l'ordre de vente à ce prix émanait de la Chef d'Etat et que l'intention de celle-ci était bel et bien de nuire à son successeur. Il se contente d'estimer qu'il est impensable qu'elle n'ait pas donné cet ordre et que le ministre des Finances ne peut pas avoir agi sans son aval. Certes, cela paraît assez peu concevable mais est-ce une raison suffisante pour inculper sans preuve d'un acte assimilable à de la haute trahison dans un Etat de droit, surtout lorsque ce que ce même juge reproche à Cristina est d'avoir bafoué ces mêmes principes démocratiques ! On croit rêver !
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L'affaire est si mal ficelée que même La Nación, qui n'est pourtant pas tendre avec l'ancien gouvernement, estime qu'un tel dossier ne pourra pas aller bien loin. Aussi la rédaction prend-elle soin de souligner que l'inculpation ne fait aucune mention d'enrichissement personnel. Claudio Bonadio n'a d'ailleurs pas osé émettre un mandat d'arrêt alors que le délit évoqué fait encourir à celui qui en serait reconnu coupable une peine de six ans de prison.
Página/12 s'étrangle de fureur. Il faut dire qu'il y a de quoi et que cette inculpation, dans sa simultanéité avec le vote du Sénat brésilien contre Dilma Roussef, fait sérieusement penser qu'il y a bien une certaine classe sociale, représentée par la droite sud-américaine et une magistrature partiale, qui veut profiter des retournements de majorité politique pour tirer vengeance des leaders de la gauche qui ont dominé démocratiquement le continent depuis une quinzaine d'années (1).
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C'est absolument lamentable et cela semble indiquer qu'il est bien difficile, tout compte fait, de prouver des faits de corruption active et d'abus de bien public en vue d'un enrichissement personnel dans le chef de Cristina Kirchner, malgré toutes les enquêtes judiciaires ouvertes depuis l'alternance à la Casa Rosada.
Pour aller plus loin : lire l'article de Página/12 lire l'article de La Nación où le gros titre suffit à indiquer les doutes du journal sur la validité de l'inculpation lire l'article secondaire de La Nación sur le même sujet lire l'article de Clarín, dont on sent qu'il savoure une vengeance qui sent vraiment très mauvais lire l'article de La Prensa
Tous les journaux font aussi écho aux propos que Dilma Roussef a tenus hier devant les correspondants de la presse étrangère après avoir dû abandonner ses fonctions de la plus humiliante des façons : lire l'article de Página/12 lire l'article de La Nación
La ministre des Affaires étrangères, Susana Malcorra, ancienne adjointe de Ban Ki-Moon à l'UNO et qui, à ce titre, connaît personnellement Dilma Roussef, est elle aussi sortie de son silence pour dire son inquiétude sur le futur du Brésil et mentionner, sans les rejeter, les contestations de la légalité et de la loyauté de la procédure de déchéance qui s'est déroulée chez le voisin lusophone : lire l'entrefilet de La Nación lire la dépêche de Télam.
(1) Avec beaucoup de corruption, certes, mais la droite en a autant sur la conscience. En Amérique du Sud, la corruption c'est comme le bon sens chez Descartes. C'est la chose la mieux répartie au monde !