Les deux moments de l'éveil

Publié le 14 mai 2016 par Anargala
La conscience, toute inaccessible (durgâ) soit-elle, doit dévorer ses manifestations,et non simplement en rester dégoûtée


Le détachement ou le dé-goût (vairâgya), exprimés comme absence de soi ou résignation ne sont pas l'éveil en sa plénitude, capable de combler les désirs.Comme dit Abhinava :Dire "Rien n'est à moi"rend immanquablement les imbéciles misérables.(Mais) ce "Rien n'est à moi"signifie (pour moi)"Je suis tout".C'est ainsi que j'aiatteint le sommet !Abhinava, auto-cité dans La Méditation sur la Triple souveraine, p. 20 dans l'édition KSTSC'est que l'éveil comporte deux moments :- d'abord la dés-identification aux choses et aux états, c'est-à-dire l'éveil à l'unité sous-jacente à la dualité.- puis l'identification à tout, c'est-à-dire la réintégration de la dualité en l'unité.Pourquoi ?Parce que l'inconnaissance ou ignorance (avidyâ, akhyâti), comporte elle-même deux moments :- l'ignorance que tout est conscience. C'est la projection du non-Soi sur le Soi. Cet aspect de l'ignorance se manifeste à l'état pur dans le sommeil profond.- Puis, l'ignorance comme identification à tel ou tel objet particulier. C'est la projection du Soi sur le non-Soi, sur le corps par exemple. Cet aspect se manifeste à l'état pur dans l'état de rêve.Or, la plupart des démarches non-dualistes mettent un terme à cette seconde sorte d'ignorance, mais pas à la première. On se dit "je ne suis rien, rien n'est à moi, je ne suis ni ceci, ni cela". On ne s'identifie plus à un objet particulier, tel que le corps, la sensation, l'imagination... Mais la première sorte d'ignorance demeure : le monde est perçu comme une sorte d'illusion autre que la conscience. L'exemple typique de cet éveil partiel est la doctrine du Sâmkhya. Le détachement, ou la dés-identification, ne conduisent donc pas à la plénitude, si du moins la conscience ne reconnaît pas ensuite qu'elle est la source et la substance de tout. "Je ne suis pas ce corps", "je ne suis ni ceci, ni cela", n'est qu'un moment vers la révélation complète : "Je suis tout".