En octobre de l’année dernière, la presse se piquait, pour badiner avec l’air du temps et tenter les petits sujets légers un peu fashion, de nous expliquer sa vision du libéralisme dans quelques petits articles rigolos. En janvier de cette année, le doute n’était plus guère permis : c’était une véritable vague de libéralisme qui déferlait sur le pays. Dès lors, comment s’étonner qu’à nouveau, à un an de la présidentielle, la presse remette le couvert et nous trouve des brochettes de candidats néo-, turbo- et ultra-libéraux à tous les coins de la droite ?
Pour les fines plumes du Monde, l’affaire est entendue : d’ultra-sécuritaire après les attentats, la droite a viré sa cuti et fait une véritable « course à l’échalote » pour le mieux-disant libéral sur le plan économique. Il faut dire qu’en matière de sécurité, la gauche a largement démontré qu’elle pouvait faire mieux que la droite : entre l’état d’urgence (renouvelé, depuis, sans faute), l’avalanche de perquisitions (dont une majorité écrasante se terminera en jus de boudin) et l’épuisement de la police et de l’armée en « sécurisations » diverses, variées et très inefficaces de VIP, la différence avec ce qu’aurait pu faire la droite à sa place est extrêmement fine, pour ne pas dire inexistante.
Le Monde a donc beau jeu d’éplucher les « programmes » économiques des candidats de droite pour y déceler des petits nuggets de libéralisme frits dans un capitalisme sans foi ni loi et tout le tralala qui accompagne en général ce genre de plat qu’on nous vend indigeste depuis des lustres : fin des 35 heures, mes petits amis, ça, c’est du libéramimse de combat ! La retraite à 65 ans, forcément, c’est encore du méchanlibéramisme ma brave dame ! Et la facilitation des licenciements économiques, mon pov’mossieur, si c’est pas de l’ultramibéramisme, qu’est-ce que cela peut-il être d’autre, hein, je vous le demande ? Ajoutez-y un retour à l’esclavagisme, au travail des enfants, au patriarcat interdisant les femmes au travail, et vous aurez probablement la panoplie parfaite du libéral qu’entendent d’ailleurs combattre tous les soirs avec un courage indéfectible les petits résistants de la Place de la République.
Coïncidence ? Allons : il faut bien remobiliser les troupes !
Pour la presse française, Sarkozy serait libéral. Juppé, tout pareil (en plus, il le dit, donc c’est vrai). Fillon ? Plutôt deux fois qu’une, voyons ! Lemaire ? Forcément qu’il l’est, mon brave, forcément, c’est même Le Figaro qui l’écrit ! D’ailleurs, à cette aune, même Macron aurait une furieuse tendance à l’être aussi, en loucedé, et d’autant plus s’il risque de faire perdre la gauche !
En substance, et à part, peut-être, ces derniers représentants d’une droite surannée qui sentent la vieille lavande et la naphtaline comme Dupont-Aignan ou Christine Boutin qui s’en défend avec la dernière énergie, il n’y a aucun doute : les candidats de la droite sont tous en train de faire assaut de libéralisme économique en proposant des trucs à faire mousser un coca-mentos !Encore une fois, si toute cette jolie pâtisserie politique rentre si bien dans les petits moules en silicone qui feront de jolis gâteaux démocratiques en forme d’étoile, de cœur ou de petite pyramide amusante, c’est parce que nos amis de la presse ont absolument tout fait pour, par action et par omission.
Comme elles sont touchantes, les amusantes tentatives d’explication des journalistes pour un phénomène qui leur échappe totalement, tant ils sont dépourvus de la culture politique de base leur permettant d’appréhender ce qu’ils voient ! Et comme elle est attendrissante, la grossière manœuvre de cette presse pour relancer le bastringue anti-libéral dont se nourrit la France depuis plusieurs décennie et qui l’a copieusement flanqué dans l’ornière que tous, journalistes et politiciens, s’emploient à creuser ! Ils sont si mignon de tenter de nous faire croire, avec leurs petits doigts potelés d’enfants naïfs, que les candidats de la droite seraient, vaguement, de loin, si on regarde vite en ayant copieusement bu et fumé avant, d’authentiques libéraux au moins sur le plan économique.
La réalité est, assez malheureusement, complètement différente.
Sarkozy a déjà largement fait la preuve, en cinq années d’un quinquennat désastreux, de sa totale incompétence en matière d’économie. Il a réussi à n’être libéral sur aucun domaine, ni économique, ni sociétal, et a essentiellement géré les affaires courantes, avec le brio que l’on sait et qui lui a permis de se faire jeter contre un candidat de gauche si minable qu’un âne amputé des pattes avant aurait avantageusement pu remplacer. Croire qu’il pourrait réussir à être libéral là où il a précédemment échoué en nous laissant une liste ahurissante de taxes et de ponctions supplémentaires, c’est vraiment prendre le lecteur pour un guignol.
Fillon est, là encore, dans le même bateau. Il prétendra bien sûr avoir été obligé, en tant que premier ministre, à suivre un programme qui n’était pas le sien, oubliant qu’à « fermer sa gueule », il pouvait opposer une démission médiatiquement pratique et qui aurait marqué les esprits. Et le programme qu’il présente s’éparpille entre bonnes intentions, annonces floues et vœux pieux impraticables dans un pays serré comme une cocotte-minute sur un feu d’enfer. Qu’on puisse imaginer qu’il tienne, sondage après sondage, et conserve la même ligne relève plus de la pathologie que de la naïveté.
Quant à Juppé, son absence caractéristique de toute colonne vertébrale politique lui donne bien évidemment la possibilité de se couler dans un moule libéral qu’il abandonnera dès qu’il s’agira de prendre le pouvoir. C’est non seulement garanti sur facture, mais c’est même la seule raison pour laquelle certains Français le trouvent rassurant : tout le monde sait que son libéramimse est un air de flutiau aux accents somnifères, et qu’à la première contrariété (syndicale par exemple), il forcera le respect de l’électeur en restant droit dans ses bottes tout en retournant sa veste et en baissant son pantalon (ce qui, à 71 ans, démontrera bien l’absence de colonne vertébrale que j’évoquais plus tôt).
La réalité, crue, évidente, et hors des fards comiques d’une presse apeurée à l’idée de retrouver un président de droite, c’est qu’il n’y a aucune candidature libérale, tout justes des annonces pré-électorales de crédibilité nulle avec des épluchures d’un libéralisme douteux, qui auront l’immense praticité de se sublimer (i.e de passer du solide au gazeux sans même passer par le liquide) dès que les sondages d’opinion le commanderont.
Au-delà de l’évidente pignouferie de la presse, on n’assiste à rien d’autre qu’à une piètre tentative de faire de la droite un épouvantail néolibéral pour rassembler ce qui reste de gauche.
Ces élections s’annoncent consternantes.