Sorti directement en DTV chez nous, 99 homes n'est pas (comme beaucoup de titres qui ne connaissent pas la gloire un peu surfaite des sorties en salles) une œuvre sans intérêt, loin s'en faut. Malgré un aspect manquant d'ambition et de punch, le fond a su intéresser, voire fasciner les spectateurs des nombreux festivals dans lesquels le film de Ramin Bahrani s'est présenté, allant jusqu'à décrocher un Grand Prix à Deauville. Les participants du Palmarès Interblogs, fins connaisseurs et cinéphiles émérites, ne s'y sont pas trompés puisqu'il occupe actuellement une très honorable 39 e place alors que s'annonce une sortie vidéo chez Wild Side pour le 25 mai prochain.
C'est sur ce support que nous avons pu tester ce métrage au pitch alléchant et qui nous a laissé un goût amer, accablés par une vérité qui dérange et qu'on soupçonne à peine dramatisée pour le cinéma. Moins retors qu'un the Big Short qui joue constamment avec le spectateur et le place au cœur même des rouages de la finance liés au phénomène des subprimes, 99 homes raconte une histoire simple, celle d'un père de famille honnête et travailleur soudainement privé de la maison familiale abritant en outre son fils et sa propre mère et confronté à la dure réalité des crédits personnifiée par un homme d'affaires irascible qui fait fortune sur le dos des propriétaires expulsés. Ainsi que l'explique le réalisateur-scénariste, " Que peut-il faire d'autre sinon conclure un pacte avec le diable ? " Dennis Nash est débrouillard et il se trouve qu'il travaille dans le bâtiment : celui qui l'a expulsé sans ménagement lui propose de bosser pour lui. Et ses principes moraux de voler en éclats sous la pression de la nécessité, celle de redonner un toit à sa famille - et de racheter la maison perdue.
C'est là que le film joue de malice : pour nous, confortablement assis dans notre canapé, quoi de plus simple que d'en vouloir à cet homme qui va suivre son requin de patron et s'enrichir en mettant à son tour d'autres familles à la rue ? Facile en effet de critiquer quand nombre d'entre nous auraient saisi la même opportunité. Certes, Nash fera la grimace, hésitera souvent, mais lorsqu'on lui fera miroiter la possibilité de trouver ce qui lui a été ôté (bien plus importante à ses yeux que d'acquérir une nouvelle demeure), il jouera ce jeu maudit qui lui permet de payer aisément le loyer de la chambre de motel, de donner à manger à ses proches et de payer un magnifique anniversaire à son fils adoré.
Pas vraiment de surprise dans ce film qui fait parfois penser par sa fausse naïveté à the Company Men avec ce regard désabusé sur les sphères argentées cyniques opposées à la plèbe industrieuse et franche. Michael Shannon ne quitte guère son masque grimaçant qui lui permet néanmoins d'incarner parfaitement cet homme se gavant sur le dos des miséreux coupables selon lui d'avoir manqué de jugeote, voire simplement de chance. Il prend cela pour une revanche sur la vie, car l'Amérique est faite par les winners, pour les winners. Et bien entendu, il ne trompe personne. C'est plutôt Andrew Garfield qui parvient quelque peu à surprendre par l'intensité de son jeu avec ce personnage de père célibataire tiraillé en permanence entre sa morale délétère et les opportunités qui se multiplient. Il aurait dû écouter Yoda lorsqu'il évoquait le Côté Obscur...
Un film droit et franc, âpre et serré qui évite de se disperser et reste concentré sur le microcosme dans lequel des New-Yorkais veulent investir des millions. Malgré la multiplication des termes techniques (vous aurez le bonheur d'être présentés à
Fannie Mae et Freddie Mac, des gentils surnoms donnés à des entités financières liées aux prêts hypothécaires dans le marché secondaire), on découvre finalement qu'il n'y a rien de nouveau sous le soleil de la finance et que les gentils idéalistes se feront toujours écraser par les méchants profiteurs - quand bien même ces derniers finissent par payer leurs exactions.Titre original
99 homes
: Rick Carver, homme d'affaires à la fois impitoyable et charismatique, fait fortune dans la saisie de biens immobiliers. Lorsqu'il met à la porte Dennis Nash, père célibataire vivant avec sa mère et son fils, il lui propose un marché. Pour récupérer sa maison, sur les ordres de Carver, Dennis doit à son tour expulser des familles entières de chez elles.