Paradis fiscaux : 300 économistes pressent les politiques d'agir

Publié le 12 mai 2016 par Blanchemanche
#opacitéfinancière #Paradisfiscaux

Jean Michel Gradt / Journaliste | Le 10/05/2016


A l'initiave de l'ONG Oxfam, plus de 300 éminents économistes écrivent aux politiques pour leur demander de coordonner leurs actions contre les paradis fiscaux - Shutterstock

A l'initiative de l'ONG Oxfam, plus de 300 économistes internationaux publient une lettre dans laquelle ils exhortent les dirigeant politiques d'adopter des mesures communes pour mettre un terme à l’opacité financière offshore à l'échelle mondiale.

A l'initiave de l'ONG Oxfam, plus de 300 éminents économistes de 30 pays viennent de publier une lettre pour mettre en garde les dirigeants politique mondiaux sur le fait que rien, sur le plan économique, ne justifie l'existence des paradis fiscaux. En conséquence, ils les exhortent à adopter des objectifs communs pour mettre fin à l'opacité financière offshore à l'échelle mondiale, et à faire en sorte que la "fermeture" d'un paradis fiscal ne se solde plus par un simple transit des évadés fiscaux vers un autre paradis, tout aussi accueillant.Cette lettre est publiée en amont du Sommet organisé par le gouvernement britannique sur la lutte contre la corruption qui se tiendra à Londres jeudi, auquel sont attendus des responsables politiques de quarante pays ainsi que des représentant(e)s de la Banque mondiale et du FMI. Parmi les signataires, figurent notamment Thomas Piketty, auteur du best-seller "Le capital au XXIe siècle", Angus Deaton, actuel prix Nobel d'économie, ou encore Nora Lustig, professeure d'économie latino-américaine à l'université Tulane, ainsi que d'influents conseillers auprès de gouvernements et responsables politiques, comme Jeff Sachs, directeur de l'Earth Institute de l'université de Columbia et conseiller du Secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, et Olivier Blanchard, ancien chef économiste au FMI.

Effets dévastateurs

Tous dénoncent les effets dévastateurs des paradis fiscaux qui privent les États de recettes fiscales et contraignent les pays pauvres à payer le prix fort : pas moins de 12.000 milliards de dollars ont ainsi, selon une étude de ONG Tax Justice Network, échappé aux caisses des états émergents en 2014 (voir encadré).Dans "Corruption : Cost and Mitigating Strategies", son rapport sur la corruption publié mercredi , le FMI estime lui que, chaque année, 2 % de la richesse mondiale (soit 1.500 à 2.000 milliards de dollars), s'évapore en pots-de-vins. "Bien qu'il existe des divergences entre eux, notamment au sujet des niveaux d'imposition souhaitables, tous le signataires s'accordent à dire que les « territoires qui permettent de cacher des avoirs dans des sociétés écran ou qui encouragent les entreprises à placer leurs profits là où elles n'exercent aucune activité économique sont une entrave au bon fonctionnement de l'économie mondiale ".Pour mettre fin à ce fléau, ces personnalités appellent les gouvernements à convenir de nouvelles règles mondiales obligeant les entreprises multinationales à rendre publiques des informations dans chaque pays où elles ont des activités (le « reporting public pays par pays " récemment durci en Europe ), et à garantir que l'ensemble de ces territoires révèlent publiquement l'identité des véritables propriétaires des sociétés et des trusts.

Le Royaume-Uni en première ligne

Les économistes signataires de l'appel de l'Oxfam estiment aussi que le Royaume-Uni est le mieux placé pour prendre les devants et mettre fin au secret financier offshore puisqu'il exerce sa souveraineté dans environ un tiers des paradis fiscaux de la planète grâce aux territoires britanniques d'outre-mer et aux dépendances de la Couronne britannique. "Les paradis fiscaux ne sont pas le fruit du hasard, écrit Jeff Sachs. Les îles Vierges britanniques ne sont pas devenues un paradis fiscal et bancaire d'elles-mêmes. Les États les plus riches, notamment le Royaume-Uni et les États-Unis, se cachent derrière ces paradis fiscaux, en partenariat avec de puissantes administrations financières, comptables et juridiques qui déplacent les fonds".Ainsi, plus de la moitié des entreprises créées par Mossack Fonseca, le cabinet d'avocats qui se trouve au centre du scandale des "Panama Papers", sont, ou ont été, domiciliées dans des territoires britanniques d'outre-mer, comme les îles Vierges britanniques , les îles Caïmans, Montserrat, Turks et Caïcos, Anguilla, ou encore Saint Kitts et Nevis, Antigua, Barbade, Sainte Lucie, Saint Vincent... autant d'Etats souverains qui ont pour reine Elisabeth II.Un constat que partage, en France Charles Prats, magistrat et spécialiste de l'évasion fiscale (voir ci-dessous).
VIDÉO - @CharlesPrats : "Le Royaume-Uni a des paradis fiscaux dans sa sphère d'influence" #le79Inter  https://t.co/ng1k1zHLH6— France Inter (@franceinter) 12 mai 2016

Les "Panama papers" ont révélé l'utilisation de sociétés offsohore et de fiducies dont les bénéficiaires _ pari eux se trouve nt aussi des hauts fonctionnaires _ concernent des pays à tous les stades du développement : économies avancées, pays émergents et pays à faible revenus", note le FMI dans le rapport évoqué plus haut.La France, rappelle l'Oxfam, a elle aussi l'opportunité de prendre les devants en matière de transparence à travers la loi Sapin 2 qui sera débattue à l'Assemblée nationale ce mois-ci. "Si à l'heure actuelle, le projet de loi ne comporte aucune mesure de transparence permettant la lutte contre l'évasion fiscale, Oxfam appelle la France à passer des paroles aux actes et à introduire le reporting pays par pays public dans ce projet de loi".
Jean-Michel Gradt

En savoir plus sur http://www.lesechos.fr/monde/enjeux-internationaux/021917525559-paradis-fiscaux-300-economistes-pressent-les-politiques-dagir-1220874.php?XWVmEa2hFl7Vg5BB.99