« Il a l’air d’un roi, le fleuve. Il est là depuis toujours, rouge à force de creuser l’argile, rivière Rouge, c’est son nom. La nuit, il brille. Le jour, il est plat comme le verre et ne reflète que le ciel, les nuages et les arbres. Il semble ne pas nous voir. Nous sommes une quinzaine, nous venons ici presque chaque jour depuis deux semaines tant la chaleur semble vouloir nous punir, mais il passe, indifférent à nos enfants qui s’élancent, à leurs mères qui disent, Attention au courant, et aux vieilles, comme moi, qui se retranchent à l’ombre sur leurs sièges pliants. Rien ne trouble le fleuve. Il connaît son sort, il descend l’Amérique et s’en va se noyer dans le Mississippi puis dans la mer. Il est tout petit là-bas dans la mer, mais si grand devant nous. J’ai peur de lui. J’ai l’impression qu’il rit, qu’il rit du pont un peu plus loin qui rouille en ayant cru l’enjamber, qu’il rit de nous aussi, de nos mains et nos pieds incapables de nager, de nos sueurs froides quand passe la police, j’ai l’impression que nous sommes comme les feuilles mortes qui dans quelques mois se détacheront des arbres, poussières dans l’eau. »
Format : Livre papier
- Nombre de pages : 160 pages
- Éditeur : Stock
- Date de sortie : 21 août 2013
- Prix : 16.00 €
Voilà un livre qui relate l'histoire de six enfants noirs, noyés (pratiquement tous de la même famille) dans la rivière rouge, au nord-est de la Louisiane, le 2 août 2010, parce qu'ils ne savaient pas nager.
Le livre se divise en 3 parties.
Le début est centré sur la vie avant le drame, avec la famille, les enfants, parents et grands-parents. La peur de la délinquance, de cette police qui guette les faits et gestes... Bref ! La vie de tous les jours, parfois injuste, mais bien réelle, des noirs aux Etats-unis. (ne donne pas à ceux qui nous méprisent depuis la nuit des temps de quoi justifier encore cette vieille haine contre nous.)
La deuxième partie est sur la ségrégation raciale en 1949. L'interdiction aux noirs de rentrer dans les piscines réservées aux blancs. Negroes are pushing too far!!
Cette partie est vraiment triste, car c'est la grand-mère qui raconte et je peux vous dire, que cette partie m'a tout simplement bouleversée.
Puis on revient en 2010. C'est la troisième partie, sur cette tragédie avec une fin bouleversante racontée par un secouriste, quand il part à la recherche de ces corps, au fond de cette rivière. Complètement anéanti, dégoûté, et bourré ; il appelle à la radio locale pour exprimer sa colère.De mon côté, je n'avais pas entendu parler de cette histoire aux infos et vous ? Parce que, pour le coup, perdre 6 personnes, que des mômes, pratiquement tous de la même famille, c'est quand même quelque chose, si vous voyez ce que je veux dire. Ce livre est intéressant parce qu'il parle de faits réels, des statistiques soit 60 % des afro-américains. Beaucoup de noirs ne savent pas nager. Alors, certains pensent que c'est peut-être dû au temps de l'esclavage, cette peur de l'eau bien ancrée en nous, malgré toutes ces années, derrière nous. Pourquoi ? Parce qu'on jetait les noirs par-dessus bord pour s'en débarrasser tout simplement. Il était donc plus simple, pour les esclaves, de courir, de fuir en cavalant sans regarder en arrière.. Aller dans l'eau, c'était la mort certaine.Mais aujourd'hui, alors ?! Qu'en est-il ?Les parents étaient tout de même sur place, mais impossible pour eux d'aller sauver leurs enfants qui se noyaient sous leurs yeux, parce qu'ils ne savaient pas nager. Donc, c'est aussi un livre qui fait réfléchir, qui nous pousse à se poser les bonnes questions dans cette incompréhension totale. Pourquoi ?
Quant à la fin, je l'ai trouvée trop triste. Impossible de remonter la pente après une tragédie pareille, parce que la réalité rattrape. Tu rentres chez toi, les chambres sont vides. Les odeurs... les photos...les habits....les places sont vides, tout ça, y a plus rien et toi, tu es complètement vidé.
Citation : Nous savons rire quand nous sommes tristes et chanter quand rien ne va. Notre peur a produit de grandes choses. Alors ils nous aiment vieux, le cheveu crépu et blanc, on a l'air de sages et on finit au patrimoine national. Mais nos enfants leur font peur. Et ils les noient.
MA NOTE :