Il y a des invitations « petit déjeuner – conférence de presse » qu’on devrait refuser. Je ne sais comment mon email s’est retrouvé dans leur fichier mais j’ai accepté d’assister à une présentation presse sur l’état de santé de la biodiversité en Île-de-France. En clair, est que la faune et la flore de la région parisienne se porte bien. J’avais comme un pressentiment…
On est au Jardin des Plantes, au restaurant La Baleine, ce qui est déjà un présage. Et tout de suite on rentre dans les chiffres. En gros, on recense la richesse (la diversité/la qualité) et l’abondance (la population/la quantité) des oiseaux, papillons et plantes grâce à 186 contributeurs professionnels. Ces données ont été classées selon 4 milieux :
- la ville,
- les jardins,
- les champs agricoles,
- la forêt.
La question qui se pose est donc : comment se porte la biodiversité en fonction des espèces et des biotopes. A moins que vous viviez sur la planète Mars, vous avez déjà une petite idée de la réponse : pas très bien.
Voire pas bien du tout.
Voire carrément flippant.
En résumé, c’est 20% des oiseaux qui ont disparu en 13 ans. C’est pire pour les oiseaux spécialistes en milieu agricole. Ces données chiffrées viennent confirmer une estimation globale qui estime que c’est la moitié des oiseaux qui ont disparu en 40 ans. Il y aurait un tas de choses à raconter, car cette étude fournit des petits détails qui en disent long.Par exemple le fait que la biodiversité se porte mieux dans les jardins des particuliers que dans les champs des agriculteurs.
Les causes, nous les connaissons bien sûr : pesticides, destruction des haies, étalement urbain…
Un des exemples qui m’a le plus amusé n’est pas dans l’étude NatureParif disponible ici. Il commence à y avoir des mesures pour évaluer la quantité de petits insectes volants. Bah oui même les motards et automobilistes peuvent constater que leurs pare-brise sont de moins en moins couverts de moucherons alors qu’à la belle époque, on pouvait contempler le « dépôt du temps » passé sur la nationale…
Bon eh bien les premières ébauches de résultats confirment également la baisse considérable des moucherons et des petits coléoptères. Une seule espèce semble progresser… le thrips. Autrement dit, un insecte parasite qui est justement la cible de beaucoup d’insecticides. Auraient-ils déjà développé des résistances ? Où l’on retrouve cet éternel paradoxe de la lutte chimique contre les nuisibles où l’on finit par renforcer l’adversaire…
Moi qui me balade en vélo tous les jours, je reconnais volontiers trouver désagréable le contact cutané, souvent oculaire, parfois buccal, avec les moucherons. Mais je suis persuadé qu’ils sont meilleur goût que les thrips car ceux-ci laissent un goût amer, comme cette étude.Voilà des plantes qui ont carrément disparu, des papillons qui ne volent plus, des oiseaux qui se cachent ailleurs… Je me suis souvenu de cette « langue des oiseaux » qui chez les mystiques était un langage codé. Cette dénomination proviendrait du fait que le mot « oiseau » ne comporte que des lettres que l’on « n’entend pas ». Le O et le I sont absents, le S se prononce comme un Z et on n’entend ni le son E ni le son A ni le son U. Ni X
Bref j’ai trouvé que cette « langue des oiseaux » illustrait aussi sans le vouloir cette longue agonie, cet effacement où effectivement quand on dira le mot oiseau, on ne verra plus rien non plus.
Quant au cantique des oiseaux, il s’agit de cette fable persane d’inspiration mystique soufi où trente oiseaux renoncent les uns après les autres au voyage. Je ne suis pas spécialiste mais j’ai entendu dire que dans ce texte, l’oiseau symbolise l’homme…