Une étude statistique des 4.302 exoplanètes candidates du catalogue de juillet 2015 de Kepler vient de faire exploser les compteurs : en une seule fois, 1.284 planètes sont ajoutées aux quelque 2.125 déjà connues et confirmées, ce qui fait un total de 3.409 mondes débusqués dans la Galaxie en 20 ans. Dans ce lot exceptionnel, neuf sont considérées comme potentiellement habitables (ce qui fait un total de 21 sur les 3.409).
Depuis que la chasse aux planètes autour d’autres étoiles que le Soleil est ouverte, il y a plus de 20 ans avec la découverte de 51 Pegasi b (alias Dimidium, nom validé par l’UAI), le satellite Kepler, lancé en 2009, fait faire aux chercheurs des pas de géants.
Au cours des quatre années de sa première mission (malheureusement interrompue suite à un problème technique ; à présent, il est employé pour une seconde mission nommée K2), le télescope spatial a épié minutieusement les changements de luminosité de quelque 150.000 étoiles dans une seule direction de la voûte céleste. Le 9 mai, sur les 2.125 exoplanètes recensées et compilées dans l’Encyclopédie des planètes extrasolaires de Jean Schneider (depuis 1995), plus de la moitié provenaient des filets du seul Kepler. Le lendemain, le 10 mai, la Nasa officialisait l’ajout de 1.284 nouvelles planètes – la plus grosse prise unique – portant leur nombre total à 3.409 ! Pas moins de 2.325 sont du fait du satellite.
« Avant que le télescope spatial Kepler soit lancé, nous ne savions pas si les exoplanètes étaient rares ou communes dans la Galaxie », a rappelé Paul Hertz, directeur de la division astrophysique au siège de la Nasa à Washington, qui en a profité pour remercier et le satellite (et son équipe) et la communauté de chercheurs, car grâce à eux, « nous savons maintenant qu’il pourrait avoir plus de planètes que d’étoiles. Ce savoir nous informe des futures missions qui seront nécessaires pour nous rapprocher de la découverte si nous sommes seuls dans l’Univers ».
Kepler explose le compteur des exoplanètes découvertes depuis 1995. En bleu foncé, les planètes qui n’ont pas été détectées avec le satellite lancé en 2009. En bleu clair, ses précédentes découvertes et en orange, le lot massif de 1.284 nouveaux mondes identifiés par une nouvelle méthode de validation — Crédit : NASA Ames, W. Stenzel, Princeton University, T. Morton
Ecarter les imposteurs
Dans cette quête d’autres mondes, il convient bien sûr de « séparer le bon grain de l’ivraie » et d’écarter parmi les innombrables candidats, les imposteurs. Les variations de luminosité des étoiles surveillées peuvent en effet avoir des causes autres (éruptions, naine brune, étoile double, etc.) que le passage d’une ou plusieurs planètes devant elle, dans la ligne de visée du satellite – à l’instar du transit de Mercure, petite planète rocheuse, observée par de nombreux terriens ce lundi 9 mai.
Pour éviter cet écueil, cela impose aux astronomes de vérifier au cas par cas les signaux enregistrés. Un travail laborieux et gigantesque qui demande donc plusieurs années, au regard des milliers de planètes potentielles engrangées au cours de la première mission de Kepler (2009-2013).
Timothy Morton et son équipe ont, eux, développé une étude statistique (présentée à leurs pairs il y a quelques mois) croisant deux types de simulations de faux et vrai positif et l’évaluation du nombre d’imposteurs attendu afin d’épingler plus rapidement les planètes parmi les 4.302 candidates retenues dans le catalogue de juillet 2015 de Kepler. Lorsque la probabilité dépasse 99 %, la candidate est déclarée comme confirmée. Dans le lot, 707 se sont fait passer pour des exoplanètes et 1.327 pourraient bien en être (ce qui demande à être vérifié par d’autres méthodes).
« Les planètes candidates peuvent être considérées comme des miettes de pain. Si vous laissez tomber quelques grosses miettes sur le sol, vous pouvez les ramasser une par une. Mais, si vous renversez un sac tout entier de minuscules miettes, vous allez avoir besoin d’un balai. Cette analyse statistique est notre balai » résume le principal auteur de l’étude publiée dans The Astrophysical Journal.
Sur ce graphique apparaissent toutes les planètes potentiellement habitables connues avec leurs tailles relatives à celle de la Terre (Earth) et Mars. La bande verte marque la zone habitable où la température en surface permettrait à de l’eau de rester liquide. Cette région varie selon la luminosité et la température de l’étoile-hôte — Crédit : NASA Ames, N. Batalha, W. Stenzel
On connait désormais 21 planètes potentiellement habitables
Parmi ces 1.284 exoplanètes ajoutées, 550 (ce qui n’est par négligeable) ont une taille équivalente à celle de la Terre. Neuf d’entre elles figurent dans la zone habitable ou « tempérée » – où il fait ni trop chaud ni trop froid, de sorte que l’eau (s’il y en a) puisse être à l’état liquide – de leur soleil. Cela porte à 21 les exoplanètes potentiellement habitables connues. Néanmoins, il faut préciser que des observations complémentaires des neuf planètes seront nécessaires, car leurs caractéristiques physiques sont encore mal connues.
« Ce travail va aider Kepler à atteindre son plein potentiel en produisant une compréhension plus profonde du nombre d’étoiles qui abritent des planètes de la taille de la Terre potentiellement habitables ; un nombre qui est nécessaire de connaître pour concevoir les futures missions de recherche d’environnements habitables et de mondes habités », a indiqué Natalie Batalha, de l’équipe scientifique de Kepler au Ames Research Center de la Nasa à Moffett Field, Californie, et coauteur de ces recherches.