EUROVISION 2016 : Retour sur la première demi-finale

La première demi-finale du concours Eurovision s'est déroulée hier soir à la Globen Arena de Stockholm. 10 pays se sont qualifiés pour la grande Finale de ce samedi. Notre correspondant Didier Mathieu-Dabois y était. Retour sur une soirée haute en couleurs !

21h. Te Deum de Charpentier. La semaine musicale télévisée la plus regardée au monde peut enfin commencer. C'est le gagnant de l'année passée, Mans Zelmerlow, également co-présentateur de cette édition, qui ouvre le bal avec son titre victorieux de 2015, "Heroes ", repris par une chorale d'enfants. Un début tout en douceur, suivi d'une vidéo insistant sur l'aspect fédérateur de l'Eurovision. L'Europe entière se retrouve autour de cette grande fête de la musique. Chaque pays envoie son représentant, ceux-ci formant une aigrette de pissenlit stylisée (vous savez, ces boules blanches sur lesquelles on soufflait étant enfant pour faire s'envoler tous les petits pistils), le logo de cette édition qui rappelle aussi la forme de la salle mythique du Globen. Mans est rejoint par sa co-présentatrice, Petra Mede, et nos deux hôtes suédois donnent directement le ton de la soirée. Humour, professionnalisme, sobriété et efficacité, la télévision suédoise aura fourni une réalisation exceptionnelle et une émission millimétrée.

Les premiers pays à passer sont la Finlande, la Grèce et la Moldavie. Il n'est jamais facile de débuter le concours. Trois chansons aux styles très différentes: Un funk énergique pour Sandhja, la finlandaise, un rap ethnique pour les grecs de Argo et une chanson dance pour Lidia Isac, la moldave. Aucune ne réussira à convaincre, ces trois pays sont éliminés, une petite révolution pour la Grèce qui n'avait jamais loupé une finale de l'Eurovision. La Moldavie aura en tout cas provoqué quelques rires avec son danseur vêtu en cosmonaute tout argenté. Et oui, un visuel raté ou trop kitsch peut aussi précipiter une élimination.

Les premiers candidats de taille se succèdent ensuite. Le hongrois Freddie, l'un des beaux gosses de la soirée, corps d'athlète et jeans troué, interprète, avec force et charisme, son titre " Pioneer ". Qualification logique, ce pays pourrait se retrouver dans le top 10 samedi prochain. Il est suivi de la croate Nina Kraljic, gagnante de " The Voice " dans son pays. Sa chanson " Lighthouse " est, à mes yeux, une des mieux écrits. Le manque de sobriété de sa tenue aurait pu lui coûter la qualification mais sa voix atypique semble avoir plu en Europe. Ca passe pour la Croatie qui faisait son grand retour après deux ans d'absence.

Opposition de style pour les deux chansons suivantes: Les Pays-Bas misaient sur une ballade pop aux sonorités country. Un choix risqué qui s'est avéré payant, le charme de Douwe Bob aura sans doute transpercé l'écran dans de nombreux foyers européens. Que dire alors de l'arménienne Iveta Mukuchyan, qui, à grands coups d'effets spéciaux et d'une réalisation sublime, a fait grimper sa chanson " LoveWave " au statut de favorite. Une des véritables claques visuelles de cette soirée et un concurrent redoutable pour samedi.

La chanson de San Marin aura sans doute servi de " pause pipi " pour beaucoup. Le micro-état avait misé sur un chanteur turc, espérant récupérer les votes de la puissante diaspora disséminée à travers l'Europe et amatrice du concours malgré le retrait de la Turquie depuis 2013. Cela n'aura pas suffit à propulser ce titre disco en finale. A vrai dire, la salle retenait surtout son souffle pour l'arrivée de Sergey Lazarev, le candidat russe, grand favori de cette édition. Il n'aura pas déçu avec une prestation spectaculaire de la première à la dernière seconde. Certains l'auront trouvé froide et calculée. Il passe en finale et personnellement, j'ai de plus en plus de mal à voir quel pays pourra rivaliser avec cette machine de guerre.

La République tchèque aura sans doute bénéficié de la débauche de moyens russes. La ballade sobre et élégante de Gabriela Gunčíková permet à son pays de se qualifier pour la première fois. Qualification aussi pour le rock endiablé du groupe Minus One. Le chanteur chypriote n'était pas inconnu des téléspectateurs français puisqu'il faisait partie des talents de Florent Pagny dans cette édition de " The Voice ", éliminé lors des duels par le talentueux Slimane. Qualification enfin pour l'Autriche, la chouchoute et définitivement la plus applaudie dans la salle. Sa chanson " Loin d'ici " a rapidement conquis le coeur des fans les plus sensibles et Zoë, autrichienne francophile, rayonnait à l'écran, fraîche et pétillante.

Moins de chance par contre pour l'Estonie qui échoue en demi-finale. La contribution de Juri Pootsmann était pourtant très élégante et vocalement irréprochable. Un contraste frappant avec l'Azerbaïdjan qui a compensé les absences vocales de Samra (qui a gagné " The Voice " dans son pays...) par une débauche de flammes et de feux d'artifice. Le trop tue le tout mais sa chanson " Miracle " reste diablement efficace et sera en finale.

On dit souvent que passer en fin de show est un avantage, ce ne fut pas le cas hier soir. Le rock puissant mais un rien trop alternatif et bruyant du Monténégro n'a pas convaincu. Elimination surprise de l'Islande, Greta Salome et sa chanson " Hear them Calling " étaient mes favoris mais la mise en scène sombre et les interactions avec les écrans de fond ont sans doute trop rappelé le russe. C'était pourtant elle qui avait eu l'idée en premier... Enfin, élimination logique de la Bosnie. Ce pays faisait son retour avec une mise en scène rappelant le drame des réfugiés. Couvertures de survie et fils barbelés, les téléspectateurs n'ont visiblement pas approuvé ces allusions de très mauvais goût. Finalement, seule Malte aura tiré son épingle du jeu. Dernier à passer, son titre " Walk on water " est produit par une équipe suédoise et très bien interprété par Ira Losco, ancienne du concours, deuxième en 2002. C'est également Malte qui a été annoncée comme dernière qualifiée pour la finale.

L'entracte faisait également écho au drame des réfugiés. La Suède est le pays qui en accueille le plus, proportionnellement à sa population, et le sujet est hautement important ici. Le spectacle aura fait preuve de beaucoup plus d'élégance et de retenue que l'horrible récupération bosniaque (oui, ça m'a vraiment énervé cette histoire!), terminant sur la belle image d'un public se tenant par la main, dans un moment de fraternité européenne.

De manière générale, cette première demi-finale n'aura pas surpris. La télévision suédoise a fourni un excellent travail avec une débauche de moyens techniques. Les différentes pauses ont été ponctuées de bonnes interventions des présentateurs et de quelques vidéos très amusantes. De bon augure pour le reste de la semaine!

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