Radiohead n’a plus rien à prouver depuis longtemps. Officiellement, depuis 1997 et la sortie d’OK Computer. Un véritable ouragan ayant valu au groupe de devenir – chose déjà commencée avec le somptueux The Bends – l’un des plus grands groupes de tous les temps grâce à cet album très vite, trop vite même, étiqueté « album de la décennie », voire « album du siècle ».
Près de 20 ans plus tard, et suite à de nombreux autres moments tout aussi mirifiques (Kid A en 2000, In Rainbows en 2007), Radiohead voit les choses en petit. Disparition programmée d’Internet et ses réseaux sociaux ce 1er mai : à l’instar d’autres monuments (Ricardo Villalobos qui, lui, ne possède carrément rien de tout ça : pas de site perso, aucun compte sur les réseaux sociaux ; Aphex Twin qui annonce son retour – tellement attendu qu’on en avait oublié qu’on l’attendait – via un dirigeable à Londres ou un graffiti à New York), le groupe d’Oxford a compris depuis longtemps qu’Internet est utile, si et seulement si on sait l’utiliser. Aujourd’hui, sa non-utilisation est devenue une façon parfaite de s’en servir. Il n’y a qu’à voir le nombre de sites, à travers le monde, qui relaye la non-information. En effet, le groupe n’a absolument rien dit, au contraire. Le silence fait parler.
La musique aussi. En annonçant d’abord un premier titre, via un extrait d’une minute et un clip vidéo intégral peu après, intitulé « Burn the witch », puis un second de la même façon, « Daydreaming », la sortie quasi-imminente du neuvième album n’était plus qu’une question de temps. Il est sorti dimanche soir à 20h, les versions physiques n’étant publiées que le 17 juin. En attendant, pas question de patienter, alors, on écoute le successeur de The King Of Limbs, l’album de Radiohead le moins apprécié depuis… leur tout premier, rien que ça !
D’emblée, « Burn the witch » rappelle un certain « Spectre », mais on oublie bien sûr James Bond. Musicalement, c’est particulièrement réussi, et l’on comprend aisément pourquoi ce premier extrait sera publié en vinyle accompagné, justement du thème-de-James-Bond-qui-n’a-jamais-été. Les collectionneurs seront ravis !
Le second extrait « Daydreaming », en six minutes, offre un nouvel espoir tout à fait fondé : car avec le cadeau de « Spectre » il y a quelques mois, tout laissait présager d’un excellent nouvel album de Radiohead, et cela semble effectivement le cas.
Radiohead continue à rester fidèle à certains principes : le quintet demeure toujours aussi soudé autour de Nigel Godrich, leur producteur depuis The Bends. De même, l’artiste Stanley Donwood qui, commença sa collaboration avec le groupe en 1995, a à nouveau réalisé la pochette de l’album. Pour le reste, cinq années nous séparent de The King Of Limbs certes, mais nous avons l’impression de nous retrouver juste après In Rainbows. À noter, que le London Contemporary Orchestra and Choir, conduit par Hugh Brunt, a participé à l’enrichissement musical de A Moon Shaped Pool, l’album ayant été presque entièrement enregistré et produit aux studios La Fabrique dans le sud de la France.
Les fans complets n’hésiteront sûrement pas à précommander l’édition spéciale qui sera livrée en septembre et qui inclut l’album en version double vinyle et CD, ainsi qu’un second CD de deux titres bonus (« Spectre » serait l’un d’eux) et un livre. Ah, et pour les plus fétichistes, un petit détail supplémentaire devrait parachever leur plaisir de dépenser 76€.
Bref, vous l’avez compris, c’est à vous de faire votre propre découverte de ce (déjà) très bel album, qui se conclut par une version enfin produite de « True love waits », qui renaît littéralement de ses cendres.
L’un des meilleurs disques de l’année ? Sans doute. Et plus si affinités. On verra sur quelle marche du podium A Moon Shaped Pool réussit à gravir en fin d’année. Décidément, quelle année 2016 !
(in heepro.wordpress.com, le 11/05/2016)
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